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Jaguar

Une Jaguar est une marque d'effronterie


kaprice773

Messages recommandés

« Une Jaguar est une marque d’effronterie », disait-il.

 

(…l’Aston Martin de Roger Nimier, la Mercedes 300 SL de Jean-René Huguenin ou la Facel-Vega de Michel Gallimard étaient également des marques d’effronterie. « Albert, mettez-vous donc à l’avant ! Avec vos longues jambes, vous serez mieux », avait proposé Janine Gallimard à Camus deux heures avant que le luxueux coupé sport au nom d’étoile ne se disloquât contre un platane bordant la Nationale 5, un peu au sud de Fontainebleau…)

Dans son village, on l’appelait Monsieur Roger.

Un nom de tenancier de bordel.

Pourtant il n’en tenait pas, même s’il les fréquentait.

C’était un coco, un bolchevik rouge sang de bœuf, un romancier malingre et rocailleux aux allures de jockey fatigué, la gorge tapissée par les Celtique et les alcools forts, qui organisait des « fêtes » avec des filles et des fouets chez lui à Meillonnas, à deux pas de Genève, de l’autre côté de la frontière suisse. Sa femme, née à Bologne d’une mère juive émigrée de Russie et d’un père italien, l’accompagnait dans les clandés de Lyon et de Paris avec un flacon d’eau de Cologne pour désinfecter les bidets.

L’eau de Cologne, ça se boit tout aussi bien.

Cela fabrique des cirrhoses parfumées, tout en faisant apparaître les choses sous un meilleur jour lorsqu’elles laissent à désirer.

Malcolm Lowry en était friand.

 

Philippe Léotard également.

Un soir qu’il n’avait rien d’autre sous la main pour une petite biture express, il en avait sifflé tout un flacon déniché dans ma salle de bain.

Monsieur Roger, lui, préférait le whisky.

Et le sang neuf des jeunes filles.

Avec le Goncourt, il avait acheté une Jaguar, modèle Type-S, première limousine de série capable d’atteindre les deux cents kilomètres à l’heure, version luxueuse de la berline MK II : intérieur de Ritz, bois précieux, aluminium bouchonné et cuir pleine fleur. Le moteur était un 6-cylindres en ligne, le fameux straight six dérivé directement des moteurs de compétition vainqueurs aux 24 Heures du Mans, qui développait la puissance phénoménale de deux cent vingt chevaux.

 

Jamais monsieur Roger n’aurait pu vivre dans le dénuement, comme Maria Yudina, la pianiste préférée de Staline. Quand le Petit père des peuples lui avait offert une datcha équipée d’un poêle en faïence et d’un stock de charbon après avoir pleuré en l’écoutant jouer le 23e concerto de Mozart, elle en avait brisé les fenêtres pour souffrir de l’hiver comme tous les autres Russes emmitouflés dans leurs nippes de grand froid.

« Staline en a une grosse et sait s’en servir », affirmait, admiratif, monsieur Roger.

 

Monsieur Roger était toujours tellement avide.

Surtout de femmes, de voitures de sport et de palaces.

 

Il avait mis le portrait du Petit père des peuples au-dessus de sa table de travail, dansait dans les goguettes du Parti communiste, prenait la parole dans les meetings et défilait avec les ouvriers. Tout ce qu’on racontait sur lui, la drogue, l’alcool, les putains et le reste, était vrai. À Paris, à Madrid, à Rome, il aimait les endroits relativement de luxe et les quartiers des prostituées. Sous les lambris dorés, dans de profonds fauteuils de cuir, le whisky avait décidément un autre goût. À Capri, il avait passé l’été dans la maison de Curzio Malaparte et s’était entraîné à la chasse sous-marine.

 

Monsieur Roger avait le courage entier, terrible de ses exigences effrénées.

Occupé par de plantureuses putains et de délicieuses petites gouines nues et noyées sous lui, il savait, de même que les libertins du Grand Siècle, que l’amour est un léger et perpétuel mensonge.

 

Il ne croyait pas à l’équilibre calviniste.

Dans un plateau la faute, dans l’autre le châtiment…

Et la balance ne bougerait plus ?

Foutaises !

Seule la volupté ne trompe pas, cette invincible insouciance pour le bien comme pour le mal.

 

Monsieur Roger avait dragué mon amie Éliane D.

Il l’avait emmenée dîner à Orly puis essayé de la soûler au Nuage.

Née dans un hôtel-restaurant sur la frontière suisse, avec un grand-père contrebandier et braconnier, elle a fait ses études à la Sorbonne avant de devenir journaliste et écrivain. Elle jouit désormais du luxe absolu : un petit appartement cosy sur l’île Saint-Louis et une grande maison d’allure familiale dans l’Yonne, entourée de rosiers, de chats et de livres.

« Il me faisait peur », dit Éliane en riant. « Il croyait que j’étais vierge… Il y a des filles à soldat et des filles à matelot. Moi, j’étais une fille à poète. À cette époque, fiancée à un physicien, je travaillais au journal Elle et j’étais la maîtresse de Mandiargues, après avoir été l’élève d’Étiemble. »

C’est Éliane qui m’a fait découvrir le livre de Jacques Chessex, L’Éternel sentit une odeur agréable, dans lequel monsieur Roger et sa femme, traitée de « vipère », attirent de jeunes paysannes dans leur petite tanière de Meillonnas.

 

Jacques Chessex se disait « déjà mort ».

Avec le Goncourt, il n’avait pas acheté une Jaguar mais un terrain en bordure du cimetière de Ropraz pour y faire construire sa maison.

Il aimait se promener parmi les stèles dressées à l’aplomb du torrent longeant la lisière du bois et converser avec les trépassés de sa voix mielleuse de prédicateur ambulant.

 

Brescia, le 12 mai 1957.

Monsieur Roger assistait au départ théâtral des Mille Miglia.

Cela sentait déjà la décadence : les gentlemen drivers devenaient des hommes sandwiches.

Ascari s’était tué il y avait deux ans à Monza.

Les grands sports Porsche, Alfa Romeo, Jaguar, Maserati se mesuraient sur route ouverte aux deux Ferrari 315 S de la Scuderia menées, le visage maculé, par Alfonso de Portugo et Pierino Taruffi.

 

Quelques heures plus tard, Antonio Vicente Eduardo Angel Blas Francisco de Borja, Cabeza De Vaca y Leighton, Carvajal y Are, Conde de la Mejorada, Marquis de Portago, qu’on appelait Fon de Portago, se tuait en pleine nuit au cours d’une sortie de route, entraînant dans la mort son copilote Edmund Nelson et neuf spectateurs .

« Les Jaguar ne valent pas grand-chose sur la neige à cause de leur excès de puissance », expliquait par la suite non sans amertume monsieur Roger.

 

Dans la montée vers Bardonecchia, entre Modane et Turin, sa Jaguar, en pneus d’été, patinait sur la route enneigée alors que toutes les autres voitures, équipées de chaînes, montaient sans problème. Après avoir montré quelques signes de désapprobation, frôlant impétueusement le dérapage, l’embardée, le déportement, sa voiture, trop vaillamment cravachée, avait fait un tête-à-queue avant de s’immobiliser dans un mur de neige. Sa femme était partie avec des carabiniers chercher une dépanneuse pour le sortir de là. Deux hommes dans une Fiat 500, des méchants, genre mafiosi à moustaches, s’étaient arrêtés, avaient tourné autour de la voiture et cherché à ouvrir les portières, en faisant la fica, ce geste obscène des voyous piémontais formé en repliant les doigts de la main de façon à faire saillir le pouce entre l’index et le médius. L’arrivée des carabiniers et de la dépanneuse avait mis fin à leurs tentatives mais monsieur Roger, qui avait eu le temps de se voir dévalisé et passé à tabac, ou pire violé et assassiné, avait perdu confiance dans sa somptueuse limousine anglaise.

 

Dans le petit cimetière de Meillonnas, la tombe de monsieur Roger, ornée d’une modeste plaque de bronze, est entourée de buis.

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Invité §sav362PU

Ben, heureusement qu'il a du talent Kaprice, sinon il aurait une retraite à ne pas pouvoir se payer un rase-bitume :o

 

;)

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Invité §sav362PU

J'aime énormément ce poulet... Nimier et Camus...

 

Et dire que l'ami de mon ami Blondin avait failli être "l'oublié" du siècle.

Je m'explique : j'ai découvert Roger Nimier par hasard, au détour d'une galéjade triste d'Antoine Bondin, qui pleurait la mort d'un jeune homme éternel.

J'ai lu, j'ai adoré.

Et rien, mais alors rien dans le viatique littéraire d'un élève de la République.

Racine oui... Camus parce qu'on ne peut pas faire autrement... mais Nimier et les zozos du Quartier Latin... débrouilles toi avec.

Qui a dit "Vian, circulez, y a rien à voir"?

...

Vous me direz que j'ai découvert la littérature dans un train entre Lyon et Gap, grâce à un oubli providentiel : "Une journée d'Ivan Denissovitch" de Soljénistine

J'ai dû le relire dix fois en quinze jours de ski, sans me laver et en mangeant parce que c'était la mode, vers l'âge de douze ou treize ans.

Bref... loin, très loin de l'élève ahanant sous l'effort Racinien (ou Jankelevitchien, qu'un ami dévorait déjà à l'âge de douze ans. Il est devenu chimiste, nul n'est parfait).

Depuis, je n'ai pas cessé de lire, sinon pour raison médicale (ce qui est le cas en ce moment entre parenthèses :o )

 

Bref, merci pour cette piqûre de rappel...

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Antoine Blondin, autre saturnien alcoolique et malcommode, habitait au dernier étage du 76, rue Mazarine.

Des voisins prévenants avaient disposé un fauteuil avec une couverture au rez-de-chaussée : il pouvait y cuver sans prendre froid quand, trop ivre, il n’était plus capable de gravir l’escalier…

Il aimait euphoriquement écrire dans les bars des grands palaces parisiens, du moins au temps où il écrivait encore l’une ou l’autre de ces petites phrases amères, drôles et sombres.

 

Il s’y installait pour avoir la paix :

« On boit pour être ensemble mais on est soûl tout seul. »

 

Sacrilège !

Moi le buveur d'eau, je n'ai qu'un verre de Vichy à lever à sa mémoire.

Dieu merci! au Mans, à Calais, Lyon, Toulouse, Clermont-Ferrand et même à Moliets-et-Maâ, modeste petit village gascon de mille vingt-quatre habitants dans les Landes, il y a un bar appelé Un singe en hiver où sévissent, il est à espérer, les derniers seigneurs de la biture...

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Le lendemain de la mort de Fon de Portugo, monsieur Roger notait dans son Journal :

 

« Lucques, 15 avril.

Retombons dans sommeil triste et apprenons au matin accident Françoise Sagan qui me touche comme les suicides 1925. »

 

 

La Jaguar XK140 de Françoise était capable de foncer à 140 mph (d’où son nom), un bolide inaccessible aux pouvoirs inouïs, délivrant des sensations inédites : en une nuit, l’engin était capable de dévorer la Nationale 7.

 

La piloter, c’était appartenir à la race des seigneurs.

À son volant, plus rude que les luxueux jouets de grand tourisme, Françoise a gagné le respect des gentlemen drivers et des amateurs de sport automobile.

 

Françoise faisait tout pied au plancher.

Elle parlait vite, mangeait vite, écrivait vite, aimait vite, réussissait vite, pensait encore plus vite.

 

La légende prétendait qu’elle conduisait pieds nus.

Invention imbécile de journaleux (son nom mérite d’être définitivement tu) afin de pimenter un article sur la frêle petite bourgeoise faisant corps avec sa machine virile. Qui serait assez fou pour conduire une lourde XK140 nu-pieds sur le pédalier d’aluminium brûlant et ses caoutchoucs collants.

 

Pour le reste, il était sans doute vrai qu’elle fumait des cigarettes mentholées, qu’elle les appelait ses Kool molles, qu’elle dansait, se soulait, flambait aux tables de jeu, entretenait une petite cour de picassiettes et roulait à tombeau ouvert, cheveux au vent, Deauville, Megève, Saint-Tropez. Cela n’empêcherait ni la dépression, ni la cocaïne, ni la mélancolie, encore moins la bisexualité avec un tableau de chasse pour le moins enviable, Ava Gardner, Juliette Gréco, Bettina Graziani et surtout la styliste Peggy Roche, son grand amour.

 

En revanche, ne croyez pas ceux qui prétendent qu'elle était née à Cajarc, dans le Lot, sous le nom de Quoirez.

En fait, c'était arrivé à l’âge de dix-huit ans dans le bureau de l’éditeur René Julliard, lorsqu’elle avait fauché dans Proust son pseudonyme et chapardé un vers d'Eluard pour le titre de son premier roman, Bonjour tristesse.

 

Un carton !

En trois mois, elle était devenue une star mondiale.

Un an après la France, le livre battait tous les records aux États-Unis.

 

Certains allaient la découvrir reporter pour Elle, à la demande d’Hélène Gordon-Lazareff.

Des chroniques poétiques et tendres intitulées “Bonjour Naples”, “Bonjour Capri”, “Bonjour Venise”…

Au cours de sa première séance de dédicaces à New York, elle aurait signé “With my all sympathies” avant de se rendre compte que cela signifiait “Avec toutes mes condoléances”.

 

Subitement riche, elle avait demandé conseil à son père, grand bourgeois, qui lui ordonnait de tout dépenser.

Ce qu’elle s’était empressée de faire.

Après le roadster Jaguar étaient venues d'autres voitures d'exception.

Une Gordini, une Ferrari California, une Buick et une A.C. Cobra, jusqu'à la fameuse Aston Martin immatriculée 5832-DT 75.

 

Voici donc ce sinistre 14 avril 1957.

Freinant brutalement dans un virage alors qu'elle était lancée à 160 km/h (elle venait de doubler la Peugeot 203 de Jules Dassin), elle aurait perdu le contrôle de sa DB7 qui aurait capoté après avoir roulé une vingtaine de mètres dans le fossé puis effectué un saut de trois mètres et deux tonneaux.

 

Ils étaient trois devant.

Ejectés, le journaliste Woldemar Lestienne et Véronique Campion, l'amie d'enfance, n'avaient pas la moindre égratignure.

Qui avait parlé de pneus inégalement gonflés ?

D'un blocage des roues avant ?

Personne n'en savait rien.

Inexpliqué.

Sur l'asphalte, bordé de gros cailloux, des bouts de gomme déchirés et dans le champ, un large trait de blé en herbe fauché.

Et enfin la voiture échouée, roues en l'air, offrant à l'air son ventre de gros hanneton métallique.

 

Très grièvement blessée, il faudrait plus d'une demi-heure aux pompiers pour retourner la voiture et désincarcérer sa prisonnière, cependant qu'un prêtre lui aurait administré les derniers sacrements. Entre le rebord chromé du pare-brise et la terre, il y avait un espace d'à peine vingt centimètres. Ses fuseaux de velours vert déchirés laissaient apparaitre sa cuisse écrasée et son sweat remonté découvrait sa poitrine enfoncée.

 

Du sang coulait de sa tempe gauche…

Ce serait un cycliste qui aurait donné l'alerte et les gendarmes seraient arrivés une heure après l'accident.

Depuis un quart d'heure, Françoise était étendue sur un grand manteau noir.

 

Le pompier qui l’avait sortie des tôles tordues avec des délicatesses de sage-femme s'appelait Boileau.

"Elle râlait sans cesse, aurait-il raconté. Une mousse rosâtre coulait de ses lèvres. Elle essayait de parler mais les mots ne sortaient pas."

Il tenait à la main son permis de conduire, tout fripé et sale:

"Pour un écrivain, elle ne prend guère soin de ses papiers...", aurait-il remarqué.

 

À sa sortie de l'hôpital, l'utilisation du Palfium pour calmer ses douleurs l'aurait rendue dépendante à la morphine.

On est même allé jusqu’à prétendre que, le 24 septembre 2004 à l'hôpital de Honfleur, elle serait morte, seule et ruinée – baraka une fois à la roulette mais faillites assidues au chemin de fer.

 

Heureusement certains doutes persistent...

 

Et s'il vous arrivait de croiser un roadster fonçant sur une petite route ensoleillée, il y aurait fort à parier que ce serait elle.

 

 

 

 

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Ave Evry-Baudis !

 

Euh, la 140 est un déhachecé, pas un roudsteure ...

 

Comment, je "détruis l'ambiance" ?

 

Pas celle du Onze Janvier, tout de même ???

 

Gros bisous !

 

Si j'ajoute "Vive Manchette", je suis banni à vie ?

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Ave Evry-Baudis !

 

Euh, la 140 est un déhachecé, pas un roudsteure ...

 

Comment, je "détruis l'ambiance" ?

 

Pas celle du Onze Janvier, tout de même ???

 

Gros bisous !

 

Si j'ajoute "Vive Manchette", je suis banni à vie ?

 

 

 

Comprends pas... :??:

 

 

The Roadster illustrated...

(en bas à droite les trois modèles disponibles du XK-140: roadster, convertible, hardtop coupe)

 

 

 

 

 

 

 

 

N'est-ce pas le même XK-140 roadster...?

 

 

 

 

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L'Aston-Martin DB 2/4 après l'accident.

 

 

 

 

Elle fut entièrement restaurée et roule toujours.

 

 

 

 

 

 

 

 

Curieusement pour le film de Diane Kurys, c'est une Facel-Vega qui fut utilisée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette scène d'accident, réglée par Rémy Julienne, qui, dans la réalité, a eu lieu près de Milly-la-Forêt, a été tournée à Herbeville, petit village des Yvelines, fort charmant au demeurant.

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Rehugh.

 

Non, ce n'est pas le même; Un roadster a un petit pare-brise rajouté, dont l'entourage est chromé, alors que, sur un cabriolet (DHC) cet entourage est intégré à la tôlerie, et donc peint.

 

Pas de déflecteurs ni de capote visible sur un roadster "ouvert" ...

 

Enfin, les FHC et DHC ont des vitres descendantes, alors que les roadsters sont équipés de "sidescreens", du moins jusqu'aux XK 150, qui, sur ce point, sont de faux roadsters.

 

Simple, non ?

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Rehugh.

 

Non, ce n'est pas le même; Un roadster a un petit pare-brise rajouté, dont l'entourage est chromé, alors que, sur un cabriolet (DHC) cet entourage est intégré à la tôlerie, et donc peint.

 

Pas de déflecteurs ni de capote visible sur un roadster "ouvert" ...

 

Enfin, les FHC et DHC ont des vitres descendantes, alors que les roadsters sont équipés de "sidescreens", du moins jusqu'aux XK 150, qui, sur ce point, sont de faux roadsters.

 

Simple, non ?

 

 

 

Euh... non... je m'y perds

 

 

 

 

Là c'est un convertible...?

Je reconnais bien Saint-Tropez, Otto Premimger mais je ne suis pas certain que ce soit Florence Malraux derrière...

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J'y suis...

 

On ne parlait pas de la même photo...

 

Sur celle devant Saint-Sulpice, c'est bien un roadster.

Sur l'autre, à la fin du poulet, c'est une décapotable... d'accord, je vois.

Comme celle de Saint-Tropez ou la fameuse aux pieds nus avec son chien...

Mais trop tard, les 24 h sont écoulées, je ne peux plus éditer...

 

 

Roadster:

 

 

 

 

Convertible

 

 

 

 

 

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Boarf, pourquoi "éditer" ?

 

Tout le monde peut se tromper, surtout en abordant des domaines bien spécialisés; Je ne sais pas si tu apprécies la littérature policière, mais les approximations, voire les non-sens y sont nombreux, même de la part des auteurs les plus respectés (et il ne s'agit pas de coquilles) ...

 

Pour finir sur une note agréable, jolies photos !

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Hi Saville,

 

J'ai donné dans le reflexe et force est de constater que c'est imparfait.

 

Je ne chercherai pas a vérifier, si je dis "force est" c'est que je suis convaincu que Vôtre Français a de fortes chances de me dépasser.

 

Mais laissons la vedette à notre auteur, mon propos est sincère, Monsieur Kaprice vous nous élevez.

 

Pour moi, ces derniers posts sont des tapis volants.

 

Merci Mr le fakir :)

 

Stephane

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Invité §sav362PU

Hi Saville,

 

J'ai donné dans le reflexe et force est de constater que c'est imparfait.

 

Je ne chercherai pas a vérifier, si je dis "force est" c'est que je suis convaincu que Vôtre Français a de fortes chances de me dépasser.

 

Mais laissons la vedette à notre auteur, mon propos est sincère, Monsieur Kaprice vous nous élevez.

 

Pour moi, ces derniers posts sont des tapis volants.

 

Merci Mr le fakir :)

 

Stephane

Rien à voir XF, je n'avais même pas remarqué.

Mais un "conquet" est la cuve dans laquelle on élève le Beaujolais durant sa fermentation malolactique (et où on peut mourir car il n'y a pas d'air ou presque).

Et lorsqu'on connaît l'amour qu'Antoine portait à ce breuvage à l'époque moins trafiqué...

C'était juste un "mot".

Définitivement conquet.

Le beaujolais nouveau est arrivé de l'ami de nos amis (et qui est donc notre ami) : René Fallet.

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Rien à voir XF, je n'avais même pas remarqué.

Mais un "conquet" est la cuve dans laquelle on élève le Beaujolais durant sa fermentation malolactique (et où on peut mourir car il n'y a pas d'air ou presque).

Et lorsqu'on connaît l'amour qu'Antoine portait à ce breuvage à l'époque moins trafiqué...

C'était juste un "mot".

Définitivement conquet.

Le beaujolais nouveau est arrivé de l'ami de nos amis (et qui est donc notre ami) : René Fallet.

 

Ach, mein lieber, ces vignerons ...

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Boarf, pourquoi "éditer" ?

 

Tout le monde peut se tromper, surtout en abordant des domaines bien spécialisés; Je ne sais pas si tu apprécies la littérature policière, mais les approximations, voire les non-sens y sont nombreux, même de la part des auteurs les plus respectés (et il ne s'agit pas de coquilles) ...

 

Pour finir sur une note agréable, jolies photos !

 

 

Je n'aurais pas remplacé un mot par un autre.

Trop simple.

Une petite note de bas de page m'eût incité à un peu de malice.

Partie remise.

Pour revenir à monsieur Roger et aux roadsters, il y a dans Drôle de jeu ce petit dialogue très parisien:

− Ah! Ce sont des femmes du monde...

− Si l'on veut. Des poules entretenues du genre sérieux. Appartement à Passy, vison et avant la guerre roadster décapotable...

Pléonasme...

Un roadster étant par définition une voiture automobile décapotable à deux places.

Le correcteur des éditions Corrêa n'y a vu que du feu.

Par bonheur les jurés du prix Interallié également.

Mais eux avaient une excuse à faire valoir: ils n'avaient pas lu le livre.

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Si l'on y regarde de près, au moins pour ces Jaguar XK d'époque, le roadster n'est pas vraiment décapotable (mais je ne sais pas si une capote est masquée sous un panneau de carrosserie).

Il n'y aurait donc pas de capote au sens où on l'entend.

Tout au plus une bâche pour protéger de la pluie les places assises quand il n'y a pas de conducteur et/ou de passager.

 

Seul le cabriolet, ou convertible, ou encore décapotable a une capote ou, aujourd'hui, un toit rigide articulé!

 

Avec le temps, les appellations se sont confondues, au gré des approches marketing: roadster, cabriolet, coupé/cabriolet, convertible, spider...

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Invité §sav362PU

Si l'on y regarde de près, au moins pour ces Jaguar XK d'époque, le roadster n'est pas vraiment décapotable (mais je ne sais pas si une capote est masquée sous un panneau de carrosserie).

Il n'y aurait donc pas de capote au sens où on l'entend.

Tout au plus une bâche pour protéger de la pluie les places assises quand il n'y a pas de conducteur et/ou de passager.

 

Seul le cabriolet, ou convertible, ou encore décapotable a une capote ou, aujourd'hui, un toit rigide articulé!

 

Avec le temps, les appellations se sont confondues, au gré des approches marketing: roadster, cabriolet, coupé/cabriolet, convertible, spider...

Pas si confus que cela Paydase, en tout cas, chez Jaguar à cette époque :

un Roadster, c'est un cabriolet avec une capoter rudimentaire, comme les XK de cette époque : derrière les sièges il y a une capotes simple couche avec armatures visibles.

un DHC ou Drop-head-coupé, est un cabriolet avec une capote assez évoluée, multi-couche, à armature "camouflée".

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N'est-ce pas plutôt la DHC (qui était la convertible) qui aurait la capote et son armature visibles (la photo où on voit Sagan avec ses deux passagers)?

 

Alors que le roadster n'aurait ni capote ni armature visibles (la pub de la XK blanche)?

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Invité §sav362PU

N'est-ce pas plutôt la DHC (qui était la convertible) qui aurait la capote et son armature visibles (la photo où on voit Sagan avec ses deux passagers)?

 

Alors que le roadster n'aurait ni capote ni armature visibles (la pub de la XK blanche)?

 

 

Je me suis mal exprimé : une fois en place!

 

Sinon, c'est l'inverse, effectivement.

La capote du roadster étant à considérer comme "de dépannage"

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« Une Jaguar est une marque d’effronterie », disait-il.

 

 

Bravo pour cet excellent poulet qui donnerait presque la chair de poule !

 

Quant à savoir si le roadster possède ou non une capote, je précise pour ceux qui l'ignorent, que roadster c'est aussi un type de moto. Une moto pour (chaud) lapin à la motarde (à consommer avec ou sans capote) !

:D

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L'étranger

 

 

 

À quoi sert le prix Nobel de littérature?

À s’acheter une maison dans le Luberon.

 

Grâce au chèque de l’académie suédoise, Camus acquiert une ancienne magnanerie, une de ces fermes où l’on élevait les vers à soie, dans la Grand-Rue de Lourmarin, un petit village ocre du Vaucluse.

 

Loin du protocole guindé du Nobel, des polémiques avec Sartre et des intrigues de couloir avec Nimier chez Gallimard, il trouve un peu de sérénité dans ce pays d’oliveraies et de vignes, qui lui rappelle l’Algérie de son enfance. Ancien gardien de but, il est au bord du terrain de foot, encourageant la Jeunesse Sportive Lourmarinoise, qui joue en division d’honneur, ou discute à la terrasse de l’hôtel-restaurant Ollier du Stade de Reims de Raymond Kopa et Just Fontaine.

 

 

 

Camus jouant au football avec Francine sa femme, au château des Brefs, prêté par Michel Gallimard

Pour la Noël 1959, arrivent à Lourmarin son épouse Francine et leurs deux enfants, les jumeaux Catherine et Jean (Camus les appelle la Peste et le Choléra). On réveillonne à la provençale chez Ollier, en terminant comme il se doit par les treize desserts.

 

Le 2 janvier, femme et enfants prennent le train du retour en gare d’Avignon.

 

Camus en profite pour acheter son billet.

Il doit également voyager par chemin de fer avec René Char, son voisin de l’Isle-sur-la-Sorgue.

Le lendemain, venant de Grasse après un périple sur la Côte d’Azur, Michel et Janine Gallimard arrivent à Lourmarin dans une somptueuse Facel-Vega FV3B, accompagnés de leur fille Anne et du chien Floc, un petit terrier écossais.

 

Qu’il est classe, ce coupé 2+2 franco-américain avec son nom d’étoile, aussi luxueux que puissant. Réputé pour sa beauté, son intérieur de cuir rouge et surtout les 255 chevaux de l’enorme Ford V8 de 4,8 l, sa tenue de route en revanche inquiète (la vie de cette voiture sera également très brève, à peine quelques centaines d’exemplaires vendus avant d’être retirée du marché).

 

Michel Gallimard, ancien tuberculeux comme Camus, dirige La Pléiade.

Janine, secrétaire du comité de lecture, était là le jour de 1941 où L’Etranger fut accepté dans l’enthousiasme général. Michel s’est occupé pendant la guerre de fournir des demeures tranquilles à Camus pour qu’il puisse finir La peste.

 

 

 

 

 

 

Albert Camus, Michel Gallimard et tout à droite Janine Gallimard.

(Curieusement, cette photo est souvent tronquée sur sa partie droite, faisant disparaître Janine.)

 

 

 

C’est conclu.

Camus rentrera par la route avec eux.

René Char, qui ne veut pas être le cinquième passager, prendra seul le train deux jours plus tard. Il faut dire que le poète vauclusien est plutôt encombrant: « l’homme à la puissante charpente », comme le surnomme Jules Roy.

À ses côtés, Camus paraît un freluquet.

 

 

 

Camus et René Char

 

 

 

Pourtant, à l’inverse de l’époque, d’un Morand par exemple qui se vante d’avoir passé plus de temps avec ses voitures de sport qu’avec les femmes, Camus est loin d’être un casse-cou : il déteste la vitesse et se méfie des automobiles. Il a l’habitude de dire que si rien n’est plus scandaleux que la mort d’un enfant, rien n’est plus absurde que mourir dans des draps de tôle froissée. A Emmanuel Roblès qui accélère un peu trop à son goût, Camus dit: "Ralentis, sinon tu finiras cul-de-jatte..."

 

Michel lui est amateur de voitures de sport.

C’est sa deuxième Facel-Véga. Il est également pilote d’avion, ayant eu pour moniteur Saint-Exupéry lui-même, auteur maison. C’est le neveu préféré de Gaston Gallimard, qui voit en lui son successeur, au détriment de son propre fils Claude. Au sein de la maison, une guerre sourde oppose deux clans de plus en plus irréconciliables : celui qui s'est rangé derrière Michel et celui qui suit Claude, l'héritier légitime. Pour compliquer les choses, il convient d’ajouter deux autres clans : celui de Camus et celui de Nimier. Jules Roy, par exemple, grand ami de Camus, est pris entre deux feux : il soutient Claude et déteste Michel qui se trouve être l’éditeur, l’ami et le confident d’Albert.

 

Le 3 janvier, Camus glisse dans sa sacoche de cuir noir à soufflets son passeport, quelques photographies, un exemplaire du Gai Savoir de Nietzsche, une édition scolaire d’Othello et surtout le manuscrit inachevé du Premier Homme, livre sur sa mère et son enfance en Algérie.

 

Nationale 7.

Michel et Janine à l’avant, Camus installé à l’arrière près d’Anne.

Déjeuner à Orange.

Le temps est maussade, pluvieux.

 

Puis direction Lyon, la Bourgogne.

Discussions animées sur le désir d’Anne de se lancer dans une carrière au théâtre.

Michel est farouchement contre: une Gallimard ne se donne pas en spectacle.

Camus promet d'écrire une pièce pour elle.

 

Nationale 6.

Halte pour la nuit au Chapon fin, deux étoiles au Michelin, à Thoissey, un peu avant Mâcon.

 

Le dîner est joyeux.

On célèbre les dix-huit ans d’Anne.

Ils ne savent pas encore que le destin a pris la place laissée libre par René Char.

C’est lui, le cinquième passager de la Facel-Véga.

 

L’année commence, jalonnée de projets.

Il est fini le temps où Camus se désolait : « Je n'ai jamais connu cet état où je suis, sans mémoire, sans aucune sensibilité surtout, et profondément humilié de ne plus sentir bouger en moi ce cœur dont je ne puis me passer. Comment écrire, faire, donner dans cet état? Si cela devait durer jusqu'à la mort, ce serait l'enfer, j'en suis sûr. »

Son manuscrit avance bien, il en a pratiquement terminé le premier jet.

Ce sera un grand livre, mon meilleur, se persuade-t-il.

 

Au matin du 4 janvier, départ vers Paris.

Toujours sous la pluie.

Arrêt à Sens vers midi pour déjeuner à l’Hôtel de Paris et de la Poste.

La pluie s'est arrêtée et la chaussée est désormais sèche.

 

 

 

 

 

 

 

 

Au moment de repartir, Camus change de place, sur le conseil de Janine :

« Albert mettez-vous à l’avant, avec vos longues jambes vous serez mieux… »

 

Au kilomètre 90 de la Nationale 5, à vingt-quatre kilomètres environ de Sens, entre Champigny-sur-Yonne et Villeneuve-la-Guyard, au lieu dit Petit-Villeblevin, sur une longue ligne droite brodée de platanes, sans aucun trafic, sans danger, Gallimard, qui roule à plus de 140 km/h, perd brutalement le contrôle de la Facel-Véga qui se met à zigzaguer. Le pneu arrière gauche vient d’éclater. Il réussit pourtant, en conducteur aguerri, à reprendre peu à peu le contrôle de l’auto. Malheureusement en tentant de freiner, la roue avant droite mord sur l’accotement où se trouve un caniveau. Jetée en travers, la voiture part en toupie et frappe de plein fouet un premier platane avant d’en enlacer un deuxième des restes de sa carrosserie broyée, treize mètres plus loin.

 

La voiture a été coupée en deux.

L’avant est arraché et le moteur, la calandre et les phares projetés à plus de trente mètres.

Les 255 chevaux se sont tus. La pendulette du tableau de bord est bloquée à 13 h 55. Les débris sont éparpillés sur des dizaines de mètres, comme en témoigne cette saisissante bande d’actualités tournée peu après.

 

Vous noterez qu’une autre Facel-Véga est stationnée au bord de la route.

Sans doute n’avait-elle pas de passager clandestin, elle.

Encore un de ces coups de salaud du destin…

 

 

http://www.ina.fr/video/CAF90037025

 

 

Michel, Janine et Anne sont éjectés.

Seul Camus est resté à l’intérieur.

Mort sur le coup, crâne fracassé, colonne vertébrale brisée.

Dans sa poche, le billet de train.

Le destin continue de ricaner, accumulant les coïncidences…

C’est un homonyme, le docteur Marcel Camus, établi à Villeblevin, qui constate son décès.

 

Une chapelle ardente est dressée dans la grande salle de la mairie de Villeblevin où le corps de Camus sera veillé toute la nuit. Le lendemain, sa dépouille sera ramenée par chemin de fer à Lourmarin pour être inhumée.

 

Michel Gallimard, blessé par le volant, est dans le coma : il a perdu beaucoup de sang et souffre d’un éclatement de la rate, de fractures diverses au torse et au crâne. Transporté à l’hôpital de Montereau, il meurt cinq jours plus tard. Gaston Gallimard en sera très affecté mais la querelle de succession est close.

 

Par miracle, les deux femmes ne sont que légèrement blessées.

Le chien Floc a disparu.

On ne le retrouvera jamais.

 

En fin d’après-midi, la nouvelle tombe à Paris.

Roger Nimier est en train de boucler le numéro d'Arts du 6 janvier.

Les deux hommes sont fâchés depuis que Nimier s’est moqué des poumons de Camus.

Ils ont tout deux un bureau chez Gallimard et prennent grand soin de s'éviter dans les couloirs de l'auguste maison de la rue Sébastien-Bottin. Au marbre, Nimier improvise une nécrologie sensible et impertinente : « Albert Camus est mort. Il est six heures du soir... »

 

Le Hussard ne sait pas qu'il est le prochain sur la liste.

 

Certains du clan de Claude croyant la querelle encore vive se casseront les dents.

La famille Gallimard resserre les rangs et fait front dans le malheur : plus question de bisbilles.

 

 

Ainsi Jules Roy, apprenant la mort de Michel, câble à Claude Gallimard :

« Tristement avec vous. »

Qu’il fait suivre de cette lettre terrible :

« J’en ai d’abord voulu à Michel (ailleurs il l’accusera froidement « du meurtre par inconscience de Camus ». Il répétera encore, près de trente ans plus tard dans ses Mémoires barbares: « C’est un assassinat ».) puis j’ai connu une immense pitié pour lui à la pensée qu’il pourrait survivre à ce drame. (…) Si cruel que cela paraisse, il a eu de la chance à suivre Albert. (…) Seul Camus pouvait me retenir à la N.R.F., et voici qu’il n’est plus. Voici que M. Nimier dépose une crotte sur la tombe toute fraîche d’Albert. Je souhaite jamais croiser M. Nimier dans les couloirs de la N.R.F. »

 

 

À quoi Claude répond sèchement :

« Il ne peut plus rien y avoir de commun entre vous et nous. Quant à vos sentiments vis-à-vis de Michel, vous pensez bien qu’ils nous sont profondément indifférents. Nous renonçons à tous vos livres passés et à venir. Vous aurez été le seul dans ce drame à ne penser qu’à vous. Tant pis. »

Tout prix Renaudot et grand prix du roman de l’Académie française qu’il soit, Jules Roy est congédié comme un laquais.

 

Pour que les choses soient claires, Gaston ajoute une lettre non signée, tapée à la machine par une secrétaire, omettant volontairement le monsieur et non affranchie pour en faire payer le port par le destinataire :

« Après votre morceau de littérature, ne vous étonnez pas, Jules Roy, si, par malheur, je vous rencontrais, que je ne vous serre pas la main. Gaston Gallimard »

 

 

 

 

 

La Facel Vega est une voiture qui cumulait vraiment beaucoup de défauts mais possédait au moins une vertu : elle ne s'enflammait pas. Ainsi la sacoche de cuir noir à soufflets est-elle sortie intacte de l'amas de tôle de la nationale 5. A l’intérieur, les 144 feuillets couverts d’une écriture serrée du Premier Homme à peine maculés de boue.

 

Sa publication, trente-cinq ans plus tard, sera un choc.

Près d’un demi-million d’exemplaires vendus en quelques mois.

« Je commence vraiment mon œuvre avec ce livre », avait confié Camus à Janine Gallimard au cours du trajet.

 

 

 

 

 

Cinquante ans plus tard, le 4 janvier 2010, par une température de - 8°, une Facel-Véga FV3B similaire à celle de Michel Gallimard, une Facel-Véga Excellence 4 portes, une Rolls Royce Silver Shadow et une DS 1958 se sont donnés rendez-vous devant le treizième platane sur cette ancienne portion de la Nationale 5 (aujourd’hui annexée par la Nationale 6).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'explication des causes de l'accident parue dans L'Automobile de février 1960.

 

Concernant l'accident du désormais tragique kilomètre 90 de la N.5 :

[...] En premier lieu, la défaillance humaine nous semble beaucoup moins probable que certains l'ont laissé entendre.

[...] En ce qui concerne l'attitude du conducteur brutalement aux prises avec la défaillance de sa machine, en l'occurrence l'éclatement d'un pneu, nous avons acquis la certitude que Mr. Gallimard a fait face immédiatement, adroitement. Maîtrisant son véhicule pour le tenir en ligne, il s'est même efforcé de le ramener dans la partie droite de la route. Un malencontreux caniveau, petit creux de quelque huit centimètres tracé dans le bas-côté perpendiculairement à la route a joué dans ces ultimes fractions de seconde un rôle capital en ruinant les quelques chances de la manœuvre tentée par le conducteur pour éviter le platane.

Sans doute Mr. Gallimard a-t-il eu le tort de ne pas respecter les pressantes recommandations du constructeur qui souligne la nécessité de changer de pneus à 18 000 kilomètres. Sans doute a-t-il eu également le tort de ne pas accorder à la pression correcte des pneumatiques toute l'importance qu'elle mérite dès que l'on pratique des vitesses élevées.

Quoi qu'il en soit il avait de son véhicule une expérience qui remontait à plus de deux années. Mieux, avant d'acheter la voiture de l'accident, M. Gallimard avait possédé pendant une troisième et précédente année un modèle de la même marque. Cela n'a pas empêché l'accident.

[…] Il est évidemment difficile de contraindre les usagers à changer régulièrement leurs pneumatiques. En admettant qu'elle soit applicable, la mesure ne serait pas totalement efficace. En effet, il suffit d'un coup de trottoir brutal pour provoquer sur la chambre à air une zone poreuse de quelques centimètres carrés. Cette zone poreuse peut aboutir à ce qu'on appelle le "dégonflage rapide" dont les effets sont à peu près les mêmes qu'un éclatement. Ce qui, par conséquent, peut fort bien se produire avec un pneu presque neuf.

[...] Quelques kilomètres avant Villeblevin, la N.5 en légère déclivité, file en ligne droite entre deux rangées de robustes platanes. Le revêtement et en bon état, un peu plus usé sur les bandes de roulement latérales, en tout cas non dérapant. La Facel roule à vive allure. Soudain le pneu arrière gauche éclate. La voiture zigzague sur la route (fait observé par un témoin Mme Choquart, qui arrivait d'une petite route transversale, en avant et à gauche de la Facel).

M Gallimard, qui est au volant, parvient à conserver le contrôle de sa voiture jusqu'au moment où la jante vient au contact du sol. C'est alors qu'apparait dans l'asphaltite de la route une trace discontinue correspondant à un bord de la jante. Longue d'une soixantaine de mètres, elle s'élargit au fur et à mesure que la jante s'écrase.

Cette trace discontinue montre que la roue gauche crevée n'était pas bloquée (le contact jante et ensuite pneu le prouve aisément). Vers la fin la fin de cette courbe, à l'approche de l'arbre, d'autres traces en surimpression confirment que le pilote tâte les freins pour réduire la vitesse tout en maintenant la voiture en ligne. Malheureusement la roue avant droite se trouve déjà engagée sur le bas-côté où elle rencontre une rigole d'écoulement des eaux perpendiculaire à la route, profonde d'environ huit centimètres, large d'une cinquantaine, et à 4.65 mètres de l'arbre. D'où une impulsion à la direction qui jette la voiture en travers. La roue avant gauche prend contact avec l'arbre et le drame se déclenche. La roue avant gauche casse ses attaches ainsi que le support moteur. Par l'effet de la force centrifuge, l'arrière de la voiture est rappelé vers le champ et crée l'évolution décrite sur notre dessin -rotation en sens horaire et déplacement vers le second platane-, durant laquelle la roue avant gauche, son tambour et son trapèze, le moteur et la boîte sont projetés vers l'avant. Au terme de cette extraordinaire voltige, la Facel vient littéralement s'enrouler autour du second arbre. Quand aux passagers dont un seul (Albert Camus) est resté dans la voiture, ils ont eu le triste sort que l'on sait.

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A nouveau, :jap:

 

N'étant aucunement de la partie, je découvre ces intrigues de l'édition de l'époque avec ces noms célèbres.

 

Sur un autre plan, les platanes sont, eux, tristement célèbres. Ce qui reste de la Facel donne une idée de la violence du choc contre ces sentinelles de la route...

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Les hussards ne meurent pas dans leur lit

Que reste-t-il de Sunsiaré de Larcône ?

Peut-être cet instantané en noir et blanc, pris en 1958, un essayage de jupe, avec les arbres des jardins du Palais-Royal frappés d’alignement derrière elle, telle une allée de cimetière, et cette étrange apparition en cape noire qui n'a pas eu le temps de se dissimuler...

La mort, déjà ?

 

 

Mains derrière le dos, jambes crânement en équerre, souliers plats, elle domine le sol vierge.

Port de tête à la fois altier et mutin.

Une grâce d’héroïne médiévale.

 

Après avoir usé de ses charmes au Club des Escholiers, cette jolie Vosgienne brune, née à Rambervilliers, fille d’un mécanicien automobile et d’une coiffeuse, se transforme en princesse orientale blonde platine grâce à un pseudo précieux (Sunsiaré signifie soleil levant en sanskrit) orné d’une particule et d’un accent circonflexe lorgnant sans vergogne du côté de Lancôme.

 

Elle est modèle pour Balenciaga et joue Hermione dans Andromaque.

Elle a vingt-cinq ans, un mari, Ariel Casalis des Baux, un fils, Caryl, ce qui ne l’empêche pas de courir au bras des plus grands écrivains, Morand, Marcel Aymé, Abellio, Lazlo Szabo, Brisville, Paul-Émile Victor, Jean-Paul Rappenau, Julien Gracq, André Piyere de Mandiargues.

 

Son nom, mêlant un prénom indien et un patronyme espagnol venant de sa mère, claque comme un étendard.

Ni faux ni vrai.

Arrangé, emprunté.

 

Elle falsifie ses papiers, arrange sa date de naissance.

Sa façon de rehausser la réalité sans trop de malignité.

Sous le côté factice, une attachante authenticité.

Quelque chose de l’émouvante Holly Golighly de Breakfast at Tiffany de Truman Capote.

 

Dans la nuit du 28 au 29 septembre 1962, Sunsiaré est heureuse.

Au volant d’une Aston Martin rouge elle file à toute vitesse sur l'autoroute de l'Ouest.

Son premier roman, La messagère, vient d’être publié chez Gallimard, dans la prestigieuse Collection blanche. Sans être franchement mauvais, c’est au mieux une curiosité pleine de maladresse et de boursouflures où elle cherche à magnifier sa vie en se mettant en scène sous les traits d’Isolde. Antoine Gallimard n’a pas été très regardant sur la qualité littéraire. C’est le temps où les éditeurs, jaloux de la réussite mirobolante de Juillard et Sagan, cherchent de jolies et jeunes romancières à propulser.

 

A ses côtés, Roger Nimier, ivre.

Ils se connaissent à peine depuis trois semaines.

Elle est follement éprise de lui.

Ce soir là, Roger a commencé avec Blondin et Louis Malle au bar du Pont-Royal. Ensuite il a retrouvé Sunsiaré à la rédaction de Elle où il a continué de s’enivrer à un cocktail.

Au vu de tous, il a laissé Sunsiaré prendre le volant de l’Aston Martin.

 

En un temps où il est du plus grand chic d’être un compagnon de route des communistes, Nimier est un écrivain résolument de droite, tendance Action française. En porte-flingue de Sartre, Bernard Frank, dans Les Temps modernes, écrit un papier intitulé « Grognards et hussards » où il associe sans le savoir pour l’éternité Nimier, Blondin et Laurent comme porte-drapeaux d’un groupe de jeunes écrivains qu’il traite « de fascistes par commodité ».

Les Hussards sont nés.

« Comme tous les fascistes », écrit Franck, « les hussards détestent la discussion. Ils se délectent de la phrase courte dont ils se croient les inventeurs. Ils la manient comme s’il s’agissait d’un couperet. À chaque phrase, il y a mort d’homme. Ce n’est pas grave. C’est une mort pour rire. »

 

La réplique est cinglante.

Nimier raille le strabisme de Sartre et le manque de souffle de Camus.

Le scandale est immense.

En dépit d’un rectificatif, Camus, tuberculeux, ne pardonnera jamais.

Ironie de la vie littéraire, Camus et Nimier auront plus tard tout deux un bureau chez Gallimard et prendront bien soin de s'éviter dans les couloirs de l'auguste maison…

 

Éducation bourgeoise et catholique, mère violoniste, père ingénieur, inventeur de l’horloge parlante. Ce père qui meurt alors qu’il a quatorze ans. Une blessure qui ne se refermera pas.

Il en a seize lors de la débâcle de juin 40.

Très bon élève, il a l’arrogance des premiers de classe.

 

Avant de devenir écrivain, Nimier vit du commerce des timbres.

Après la mort de son père, il entre dans la maison Miro, près de l'hôtel Drouot et y rédige des notices détaillées. Intéressé au chiffre d'affaires, il dépense tous ses gains en livres. « Quand un client en achète pour moins de dix mille francs, je lui jette un sale regard. A partir de cent mille, je lui dis au revoir. Au-dessus du million, il a droit au sourire », raconte-t-il, avec son insolence coutumière.

 

La guerre passe sans lui.

Jusqu’à la Libération, le nez dans ses livres, il rêve de combats sur le Rhin et d’Indochine.

Engagé volontaire à dix-neuf ans au deuxième régiment de hussards de Tarbes en mars 1945, il sera démobilisé en août sans avoir combattu.

Ses faits d’armes ?

Avoir lu Pascal à Vic-de-Bigorre, à mille kilomètres du front.

 

Dès ses premiers textes, Nimier se gausse du confort du lecteur.

Ses romans sont faits d’une succession de monologues intérieurs et ne répondent à aucune logique si ce n’est l’absurde. À l’occasion de son premier roman, Les épées, il propose comme définition du hussard : « Militaire du genre rêveur qui prend la vie par la douceur et les femmes par la violence. »

Sanders, le personnage principal, est un sentimental qui déteste l’effusion : « Voilà l’ennui des femmes qui font trop bien l’amour. Elles nous rendent en larmes tout le sperme que nous leur donnons. »

 

Ses romans n’ont rien perdu de leur charge vénéneuse.

Pour donner le ton, Les épées s’ouvre par une scène de masturbation d’un « petit garçon plutôt blond » sur une photo de Marlene Dietrich, tandis que le Hussard bleu se termine par cette phrase volontairement choquante, qui fera d’ailleurs l’unanimité contre elle : « Tout ce qui est humain m’est étranger. »

 

Provocation ?

Est-il sérieux ?

Ou simple désinvolture ?

Le dandysme chez Nimier n’arrive pas à cacher le goût de la taquinerie, ce petit sadisme humoristique, cette grimace à peine sensible quand ça ne tourne pas aux blagues d’un goût saumâtre, voire macabre.

 

Évidemment, cette insolence va trouver à s’employer dans ses articles de presse.

Aux plus beaux jours du Flore, ses formules assassines ne ménagent aucune gloire. « Les disciples de Sartre ? Des danseurs », raille-t-il. Les Mandarins de Simone de Beauvoir ? « Bouvard et Pécuchet existentialistes. » Sans oublier ce titre – un classique, désormais – de l'hebdomadaire Opéra : « Surprise à Marigny : Jean-Louis Barrault encore plus mauvais que d'habitude ! »

 

Comme Blondin et Laurent, il traîne ce pénible label de fasciste.

Il répond à sa manière, au vitriol : « Quand les habitants de la planète seront un peu plus différents, je me ferai naturaliser. En attendant, je préfère rester fasciste, bien que ce soit baroque et fatigant. »

 

Six livres en trois ans.

Il a trois autos dont une Jaguar, des succès féminins qui ne sont pas plus discrets.

Il se dit vaguement monarchiste, encense Maurras et Bernanos, pratique la provocation à outrance : dans les dîners, richelieus bien lustrés au pied et plis au bas de pantalons plutôt bien coupés, il pisse dans le piano de la maîtresse de maison. Magnum de Bollinger à la main, il raconte aux jolies femmes qu’elles sont des héroïnes de Stendhal, se couche à l’aube, fait le coup de poing, suit en supporter enturbanné le Tournoi des Cinq Nations et boit au bar du Ritz avec mademoiselle Chanel un vin blanc pétillant de Neufchâtel.

 

Au sommet de sa gloire à seulement vingt-six ans, suivant le conseil de Chardonne, il fait un serment qu’il tiendra trop bien : « Je jure de ne plus publier de romans avant dix ans, si la terre et Nimier durent dix ans. »

 

Il stoppe les romans.

Mais ne prend pas congé pour autant.

Des articles, des critiques, de courts essais étincelants, des scénarios pour Antonioni, Louis Malle, Siodmark, Becker, Astruc, tout en lançant le Livre de Poche, filant rendez-vous à Jeanne Moreau dans son bureau chez Gallimard et orchestrant avec la plus grande délicatesse le retour de Céline, le maudit de Meudon, de son exil au Danemark.

 

Effet garanti.

Il fait s’indigner une partie de l’opinion par ses interventions en faveur de Céline dans l’Express et à la télévision.

« Encore une fois », fait-il mine de s’étonner, « il est très naturel de ne pas aimer Céline. Lui non plus n’aime pas tout le monde. Le Diable et le bon Dieu se disputent très fort à son sujet. »

 

Et toujours des autos de sport, achetées ou revendues au gré des succès ou des revers.

Lorsque on lui demande pourquoi il achète des voitures aussi puissantes, il répond :

« Ce sont elles qui m’achètent, quand je les vois… »

 

 

Un soir tard, Gaston Gallimard entre dans le bureau de Nimier et tombe par hasard sur un couple en action.

« Oh ! pardon, monsieur Nimier, j'ai vu de la lumière, j'ai pensé que vous aviez oublié de l'éteindre », s'excuse Gaston, avant de s'éclipser.

« Le concierge ? demande Jeanne Moreau.

– Le patron », répond Nimier.

 

Gaston et Roger s’apprécient.

L’un est le père que l’autre a perdu, l’autre le fils qu’il a rêvé d’avoir.

Tous deux amoureux de belles voitures, ils se sont connus en 1948 quand, venu lui proposer le manuscrit des Epées, le jeune romancier lui dit avec un rien d’arrogance : « Je viens, monsieur, pour changer de l'encre en essence. »

 

Avec les droits d’auteur versés par Gallimard, Nimier a pu s'offrir une Aston Martin rouge, qu’il surnommera la Gaston Martin. Une voiture beaucoup trop rapide pour les vieilles routes de France qui ne connaissent pas encore de limitations de vitesse, d’autant que les écrivains ne sont jamais des gens très prudents, sinon ils ne seraient pas écrivains.

 

Qui est au volant ce soir-là ?

Toujours Sunsiaré ou Nimier l’a-t-il repris ?

Peu avant La Celle-Saint-Cloud, près de Vaucresson, la DB4 s’engage à près de deux cents sur le parapet du pont qui enjambe le carrefour des RN 307 et 311, sur la gauche de la chaussée direction province. Elle double à droite un autre véhicule qui va beaucoup plus lentement mais reste obstinément sur la file de gauche avant de se rabattre lorsque il aperçoit enfin le bolide. Au cours d’un freinage à mort, l’Aston dérape, fauche huit bornes de béton et s'écrase contre le parapet.

Le volant est retrouvé en bas du pont et le bloc moteur à plusieurs dizaines de mètres.

 

Roger, Paul, Léon Nimier de la Perrière, écrivain de nationalité française, meurt durant son transfert à l’hôpital. Il a 2,8 g d’alcool dans le sang. De quoi assommer un bœuf… Quant à Suzy Durupt, connue sous le nom de plume de Sunsiaré de Larcône, elle décède le lendemain, veillée par son mari et Marcel Aymé.

 

Une double mort insolente, atroce, effrayante.

Tout est en place pour la momification : voiture de sport, succès, alcool, blonde fatale.

Sans oublier les lignes prophétiques dans Les enfants tristes : « Le seul avantage serait d’acheter une voiture de course qui me permettrait de me tuer : cela me donnerait ce côté humain et touchant qui me manque prodigieusement, si j’en crois les critiques. »

 

Une célèbre double photographie parue dans Paris-Match, avec en couverture Jean-Paul Belmondo au volant de sa Ferrari, montre les deux amants à la morgue de l’hôpital de Garches, le front ceint d’un linceul qui, selon la formule de Julien Gracq, les fait ressembler « aux gisants des anciens tombeau. »

 

Un mois plus tôt, rompant son serment après neuf ans de silence, Nimier a corrigé les épreuves d’un roman, D’Artagnan amoureux, qui paraîtra de manière posthume. Il a mis en exergue cette phrase de Madame de Sévigné : « Cette belle jeunesse où nous avons souvent pensé crever de rire ensemble. »

 

Il y proclame : « Il n’y a que les routes pour calmer la vie. »

 

Nimier n’aura pas duré dix ans.

Le monde, oui.

 

Et pourtant trois ans auparavant, avec son sens très sûr des catastrophes, Céline le Maudit l’a prévenu au détour d'une lettre : « Ne vous faites pas blesser, accidenter !... L'accident est un sport de riches... »

 

« Chaque semaine, je passe sur l'autostrade de l'Ouest. On ne réparera jamais, pour moi, certaines bornes, après certain taillis, en arrivant sur le pont de Garches », écrira, mélancolique, son ami Paul Morand.

 

Au Père-Lachaise, dans les allées paisibles avec ses chants d’oiseaux, parmi les tombes gothiques et les pompeux caveaux haussmanniens, Sunsiaré de Larcône, la Vosgienne qui avait bluffé Paris, est dorénavant des plus discrètes. Son nom ne figure dans aucune publication sur le cimetière. Dans le columbarium, personne ne s’arrête devant la plaque où ses cendres, poussières d’une comète blonde, sont déposées (case 20945).

 

Comme si la mort n’était pas rassasiée par ces deux amants broyés dans les mâchoires métalliques de l’Aston Martin, le mari de Sunsiaré, Ariel Casalis des Baux, est tué quelques années plus tard par un taureau lors de la féria de Nîmes, tandis que leur fils, Caryl, meurt avant la cinquantaine.

 

En 2010, la mère de Sunsiaré, Marcelle Larcone (sans circonflexe), s’éteint dans son lit, nonagénaire, presque cinquante ans après sa fille.

 

Vivant, Nimier aurait quatre-vingt-dix ans cette année.

Comme Jean d’Ormesson.

Sunsiaré quatre-vingt.

Comme Mylène Demongeot.

 

Et le monde continue de durer.

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