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La Grande Guerre: Reportages et Témoignages


zygomard
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REPORTAGE/TEMOIGNAGE: Bataille des frontières

 

bataille de belgique: bertrix, luchy

 

 

bertrix.png

 

j'ai choisi pour ce reportage de prendre le témoignage du général Paloque, colonel pendant les faits

 

ici est un extrait de son livre

 

 

Bertrix.jpg

 

 

La bataille de Bertrix, 33 division d'infanterie les 22 et 23 août 1914

Général Paloque

 

 

Le 17e corps d’armée (corps P.)1 élément de la IVe armée, avait été transporté, entre le 6 et le 10 août, dans la région à l’est du camp de ChâIons.

 

 

embarquement.jpg

 

L’état-major de la 33e D.I., débarqué à Valmy le 8, était envoyé à Suippes le 9, puis à Senuc le 11, à Grand-Pré le 13 et à Fossé le 14.

 

Les ordres pour la journée du 16 le dirigeaient sur Stone, mais un contre-ordre le poussait, ce jour-là, jusqu’à Mouzon, avec mission de préparer l’occupation défensive par la division du front Messin-court, Pure, Matton, cote 253.

 

Le 19, une batterie de l’A.D.3, est envoyée à Fontenoille (Belgique) ; elle n’a pas à tirer.

 

Le lendemain, la division traverse la frontière belge, acclamée par les populations, et son état major arrive à Herbeumont le 21, à 0 h 15.

 

Dès le jour, conformément aux ordres reçus, l’artillerie reconnaît des positions « permettant de battre la route de Saint-Médard et les ponts de la Semoy » ses reconnaissances essuient quelques coups de carabine à la traversée des bois sans que l’on ait pu établir s’il y avait là des éléments de cavalerie ennemie ou les patrouilles françaises non prévenues.

 

Jusque vers le milieu d’août, l’état d’esprit de certains d’entre nous (à l’état-major du 17e C.A., de la 33e D.I., de l’A.D.) était le suivant.

 

 

33e DI.jpg

 

Il avait été dit, en haut lieu, et même dans un communiqué, prétendait-on, « que le sort de la guerre se déciderait sur la ligne allant de Maëstricht à Bâle ».

 

Il en avait été conclu, à tort ou à raison-, que régnait chez le haut commandement l’idée de déclencher, face à l’est, une offensive générale, vers l’aile gauche de laquelle la IVe armée aurait vraisemblablement à manœuvrer.

 

Les corps formant la masse ennemie étaient alignés, ajoutait-on, sur le front Sainte-Marie-aux-Mines, Longuyon, Aix-la-Chapelle4.

 

Rien n’avait encore appelé notre attention sur le très gros danger qui devait se manifester bientôt, malgré l’héroïque attitude et la belle résistance de la vaillante Belgique neutre, contre le front nord, qu’on disait solidement tenu par les Anglais et au moins une armée française à leur droite.

 

Mais nous ne pouvions instinctivement nous défendre contre une impression de tâtonnements et d’hésitations pour la mise en place de notre armée serait-elle rattachée en définitive à la masse orientée vers le nord, ou serait-elle employée face à l’est ? Devait-elle manœuvrer ou boucher le large trou entre Lanrezac et Ruffey ? Mystère !

 

Le vague nous semblait peser plus que le secret officiel sur les modalités de notre très prochain engagement

 

Les événements n’allaient pas tarder à montrer combien nos préoccupations étaient justifiées.

 

Personnellement, j’étais imbu des principes d’après lesquels les mouvements nécessités par la prise du dispositif et l’articulation des unités ne devaient s’effectuer qu’à l’abri d’éléments couvrants suffisamment forts ou suffisamment avancés pour tenir le terrain ou, en descendant la gamme, pour retarder l’ennemi, ou tout au moins pour renseigner sur ses forces et ses mouvements, ou enfin, au pis aller et comme extrême minimum, pour signaler sa simple présence.

 

Or, le 22 août, une partie de la 33e D.I. a reçu, en l’absence de son chef, et deux groupes de mon artillerie, l’A.D. en mon absence, des ordres qui ont abouti à les embouteiller, en colonne de marche, dans un immense bois, non reconnu, où l’idée d’un abordage était si éloignée des esprits que les hommes, charmés par la fraîcheur de la forêt et approchant des cantonnements fixés, cheminaient en chantant.

 

 

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Soudainement, non en des heures, mais en des minutes, peut-on dire, cette colonne s’est vu cerner par le nord, par l’est et par le sud, soumise à une fusillade très rapprochée (de 200 à 300 mètres, jusqu’à l’abordage, au sud du bois) et à un tir d’obus fusants et d’obus explosifs paraissant provenir du nord et, chose étrange, de l’ouest ; enfin, chose plus déconcertante encore, mais confirmée, du sud-est.

 

Il ne m’appartient pas de porter ici un jugement sur les auteurs des fautes qui ont entraîné une si impardonnable surprise, bien que la destruction ou la prise d’une partie de mon superbe régiment, le 18e d’artillerie, où tous, officiers, sous-officiers et canonniers étaient prêts à me suivre au bout du monde, soit un événement incitant un chef de corps à mettre à nu toutes les responsabilités.

 

Mais alors interviennent des questions de personnes ; de grands chefs précédés d’une haute réputation, d’autres chefs jusque-là si bienveillants et si respectés, dont certains furent terriblement punis ; d’officiers tués ce jour-là ou par la suite ; d’autres qui ont survécu, qu’on a soustraits à toute sanction et qui ont contribué brillamment, plus tard, à sauver le pays ; de subordonnés, enfin, qui furent reconnus inférieurs à leur tâche et dont l’un, dans les huit jours, fut rendu à la vie civile. (general leblond?)

 

Je me hâte d’ajouter que le nombre de ceux dont les actes ont pu donner lieu à enquête ou à critique est infime devant celui des héros qui restèrent, jusqu’au bout, sans peur et sans reproche.

 

Des autres, il est bien inutile de proclamer les noms.

 

Je m’en tiendrai donc à la relation sèche des événements sous la forme impersonnelle, en me portant garant de la stricte exactitude de tout ce dont j’ai été le témoin et en inscrivant en caractères italiques ce qui résulte des comptes rendus officiels contrôlés et recoupés qui m’ont été faits ou des enquêtes auxquelles j’ai procédé personnellement.

 

 

Le 22 août, le 17e C.A., en exécution des ordres reçus, se porte vers le nord en trois colonnes couvertes à droite, par une flanc-garde fixe, avec ordre d’attaquer l’ennemi, suivant une antique et commode formule, « partout où il serait rencontré ».

 

La colonne de droite, ayant pour objectif Ochamps (1.000 mètres au nord du bois de Luchy), où elle devait se rendre par Bertrix, était constituée, sous les ordres du général Fraisse, commandant la 66e brigade, par cette brigade et deux groupes du 18e régiment d’artillerie, les 2e et 3e groupes, placés sous le commandement du lieutenant-colonel Picheral, de l’A.D.

 

 

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Quant à la flanc-garde, elle devait se porter à Saint-Médard, sous les ordres du général de Villeméjane, commandant la 33e D.I., qu’accompagnaient son état-major et le colonel Paloque, commandant l’artillerie de la division.

 

Cette flanc-garde comprenait la 65e brigade, le 1er groupe de l’A.D. et l’escadron divisionnaire. Elle devait s’établir aux abords de Saint-Médard et se tenir prête à y résister jusqu’au moment où elle serait relevée par les éléments de tête du 12e corps d’armée (corps Roques), en retard, pour des raisons qu’il serait utile d’éclaircir, d’une demi journée de marche.

 

Il importe de voir ce qu’a fait cette flanc-garde avant d’exposer ce qu’il est advenu de la colonne de droite.

 

 

La flanc-garde est sur les emplacements fixés dès 5 heures du matin.

 

Le groupe d’artillerie est rassemblé, en ordre et en silence, à l’abri de la cote 444 (1.500 mètres ouest de Saint-Médard). La crête est reconnue en prévision d’une occupation possible.

 

Il règne un brouillard opaque.

 

Les éléments d’infanterie se portant à plusieurs milliers de mètres vers l’est, le général de division fait observer que l’artillerie serait trop en arrière à 444 et donne l’ordre de faire franchir la crête et la voie ferrée à l’est, ce qui se fait à la faveur du brouillard.

 

Des emplacements sont reconnus derrière des mouvements de terrain figurés sur la carte (belge) et les missions sont réparties à l’aide de cette carte, faute de visibilité.

 

Mais brusquement, en de courts instants, le brouillard se dissipe et il est constaté que la carte figure imparfaitement le nivellement, et qu’on est vu de très loin, dans la direction du nord-est, sur tout le terrain environnant.

 

 

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Force est de revenir derrière 144, en opérant le franchissement de crête, par batteries en bataille et à vive allure, ce qui s’exécute d’une façon parfaite, heureusement sans intervention du canon ennemi, mais non sans une angoisse bien naturelle pour les, artilleurs, provenant moins du danger couru que de l’effet produit sur l’infanterie.

 

Vers 11 h 30 apparaissent les avant-gardes du 12 C.A. ; à mesure qu’elles atteignent les éléments de la flanc-garde, ceux-ci se rassemblent, puis se mettent en marche vers Bertrix, où doit s’opérer la dislocation, la 65e brigade ayant à se rendre à Blanche-Oreille pour y devenir réserve de corps d’armée et le 1er groupe d’artillerie devant se placer derrière les 2e et 3e, en avant du dernier bataillon du 11e R.I.

 

Le général, son état-major et le colonel commandant l’artillerie (dont la mission est terminée) se portent aux vives allures vers la colonne Fraisse, le général de division pour en prendre le commandement et le colonel pour prendre, de son côté, le commandement de ses trois groupes réunis.

 

Vers, 13 heures ce peloton d’officiers passe à Bertrix où il double les 2e et 3e groupes d’artillerie encadrés par deux bataillons du 11e R.I.

 

Des dames de la localité, dont l’admirable dévouement ne saurait être oublié, prodiguent des boissons chaudes thé, café, lait, chocolat, à la troupe et aux officiers, non sans leur déclarer que les bois au nord de Bertrix, farcis d’Allemands, sont organisés et truqués depuis plusieurs jours.

 

Ces renseignements sont tenus comme exagérés, à telle enseigne que le groupe de tête (2e groupe) n’avait même enlevé ni couvre-bouches ni couvre culasses et que le colonel dut admonester en passant le commandant de ce groupe en lui disant « Vous attendez donc d’être sous le feu pour prendre les dispositions de combat ».

 

A ce moment (13 h 15), aucun renseignement précis n’est encore parvenu au général de division sur la colonne de droite qu’il va reprendre sous ses ordres.

 

Il est vaguement informé que le 20e R.I. (Colonel Détrie) s’est engagé dans le bois de Luchy, se dirigeant vers Ochamps.

 

 

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Au cours du trajet entre Bertrix et le Bois de Luchy, l’état-major est successivement croisé :

 

1° Par un officier de cavalerie qui, questionné, a dit « Il n’y a personne dans le bois ; la lisière nord est libre. »

 

2° Par un sous-lieutenant de réserve d’artillerie (M. Portait), qui, questionné par le colonel Paloque, a dit « Je suis chargé par le lieutenant colonel Picheral d’aller prévenir l’artillerie de venir jusqu’à l’entrée sud du bois de Luchy ».

 

3° Par un sous-lieutenant d’artillerie (M. Legueu), qui, questionné de même, a dit « Je suis chargé par le général Fraisse, auprès de qui j’ai été envoyé en liaison par le lieutenant-colonel, d’appeler les commandants de groupe en reconnaissance ».

 

Ces réponses ont été entendues par le général de division et tout l’état-major ; elles figurent dans les journaux de marche.

 

C’est vers le milieu du bois, vers 14 heures, que s’opère la rencontre du général de division et du général commandant la 66e brigade, auprès de qui se trouve le lieutenant-colonel de l’A.D. rentrant d’une reconnaissance du terrain.

 

Le colonel Paloque prévient son lieutenant-colonel qu’il a ordre de reprendre le commandement de l’A.D.33, mais pas avant d’avoir vu l’emplacement choisi pour la mettre en position.

 

Cet emplacement est d’ailleurs inconnu du commandant du 2e groupe qui, à ce moment précis (vers 14 heures), se présente, en exécution de l’ordre de reconnaissance transmis par le sous-lieutenant Legueu.

 

L’opération consistant à conduire le commandant de groupe sur la position à occuper s’imposant de toute évidence, même si le colonel Paloque n’était pas survenu, la présence de ce dernier, d’ailleurs fort bien monté, ne devait et n’a pu occasionner aucune perte de temps.

 

En outre, c’est en marchant (fort vivement), que le colonel s’est fait mettre au courant de la situation et des ordres-reçus, compte rendu qui, fait sur place, eût au contraire, entraîné des retards. On n’accusera pas, pour cette circonstance, les chefs de l’artillerie d’avoir lambiné en palabres inutiles !

 

 

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Du compte rendu fait à ce moment au colonel et de ceux qui lui ont été fournis par la suite, il résulte ceci :

 

Les 2e et 3e groupes, partis d’Herbeumont à 6 heures, suivaient, encadrés dans le 11e R.I. l’itinéraire de la 66e brigade, sans incident ; direction : Bertrix ; Ochamps, où devait cantonner l’état-major avec une partie de la D.I.

 

A 10 h 30, ordre est donné aux deux groupes de s’arrêter avant de franchir la crête située entre Bertrix et la lisière sud du bois de Luchy14 (2.000 mètres environ au sud de cette lisière). Les groupes s’arrêtent dans le village ; les chefs d’escadron vont reconnaître, sans la faire occuper, bien entendu ; ta crête en avant ; en prévision d’une attaque contre la colonne pouvant déboucher des lisières sud du bois.

 

Pendant que cette étude s’effectuait, le lieutenant colonel recevait du général Fraisse, commandant la colonne, l’ordre de rejoindre l’infanterie avec l’artillerie sans ; toutefois ; pénétrer dans la forêt, où arrivait le 20e d’infanterie, régiment de tête. (Mission Portait.)

 

Les groupes sont alors remis en marche dans une formation prescrite par le général de brigade, pour éviter toute surprise, à savoir une demi compagnie entre chaque batterie.

Le lieutenant colonel, devançant les batteries, se porte rapidement auprès du général Froisse, c’est à dire dans le bois où était déjà entré le 20e R.I.

 

Cent mètres avant d’atteindre cet officier général, il reçoit d’un agent l’ordre ci-dessous :

 

Général commandant la 66e brigade à commandant artillerie.

 

Au cas où Ochamps serait occupé et ou votre appui serait nécessaire, faites reconnaître vers 47 (12 kilomètres nord-est de Blanche Oreille) des positions possibles pour votre artillerie. Jéhonville-Acremont est déjà occupé par la colonne de gauche. N’engagez pas vos groupes dans le bois, afin que ce mouvement soit possible. Envoyez nous une liaison.

 

Le lieutenant-colonel fait remarquer au général, qu’il rejoint, que cette position ne lui paraît pas permettre de battre la clairière d’Ochamps.

 

Signé FRAISSE

 

En même temps, vers 13 h 35, le 20e R.I. est accueilli, à la lisière nord du bois, par des feux nourris d’infanterie et par des salves de shrapnels.

 

Devant cette nouvelle situation, le lieutenant colonel propose au général de rechercher une position sur un petit mamelon situé à la partie ouest de la lisière nord de la forêt, position permettant de battre la crête entre cette lisière et Ochamps.

 

Autorisé à faire cette recherche, le lieutenant colonel part et, ayant trouvé un emplacement, revient rendre compte lui-même que la position est occupable. C’est au cours de ce compte rendu que sont arrivés le général de division et le colonel commandant l’A.D.

 

 

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Ainsi renseigné, au cours d’un trajet difficile, en plein taillis, sans aucun chemin praticable aux voitures, et après d’infructueuses recherches du lieutenant-colonel voulant retrouver l’emplacement qu’il avait choisi pour installer l’A.D. force fut de gagner la toute première ligne, la lisière nord des bois.

 

Spectacle saisissant ! Cette lisière, qu’évacuent de nombreux blessés et que jonchent les cadavres de braves du 20e R.I, est criblée de balles qui sifflent à nos oreilles et de shrapnels qui éclatent au voisinage. De là, on voit une chaîne de tirailleurs ennemis, marchant résolument par bonds, sans interruption du feu.

 

La situation empire de minute en minute. Le colonel se rend compte :

 

1° Qu’autant d’unités placées là seront autant d’unités sacrifiées inutilement avant d’avoir tiré un coup de canon.

 

2° Qu’une seule brèche du bois d’une cinquantaine de mètres semble permettre l’installation, en pleine vue de l’ennemi, non d’une artillerie divisionnaire, certes, mais, peut-être d’une section, ou, en serrant à bloc, d’une batterie.

 

Dès lors, le colonel, considérant :

 

3° Que l’artillerie n’a pas encore pris la parole ; que l’infanterie n’est pas soutenue et qu’elle s’en rend compte ;

 

4° Qu’il n’est plus temps de faire des recherches ailleurs ;

 

Prend le commandement et donne au chef du 2e groupe l’ordre d’amener d’urgence sur cet emplacement sa batterie de tête, pour tirer jusqu’à l’abordage, en se sacrifiant, si c’est nécessaire.

 

 

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Le commandant de groupe envoie ses ordres ; le lieutenant-colonel reste auprès de lui,

 

Le colonel se porte au poste de commandement pour rendre compte au général de division et prendre, d’après ses directives, les mesures nécessaires en vue de l’engagement du gros de l’artillerie.

 

C’est ici que commence le drame :

 

En arrivant vers le milieu du bois, le colonel constate avec surprise que l’unique allée centrale percée entre d’impénétrables taillis, est encombrée par l’artillerie. Les voitures sont en désordre, car, bien que très serrées, elles ont opéré un demi-tour, en séparant les trains, et font maintenant face au sud.

 

Pendant la reconnaissance du commandant de l'artillerie, le général de division, qui a reçu des renseignements, vient, eu effet, de prescrire (très judicieusement d’ailleurs) aux batteries de revenir sur leurs pas et de se rendre, en attendant de nouveaux ordres, en arrière de la crête déjà reconnue entre le bois de Luchy et Bertrix.

 

 

Canon75.jpg

 

 

Malgré cet ordre, il y a immobilité complète. Le général de division veut en connaître la cause d’extrême urgence.

 

Cette cause, il n’y a qu’un moyen de la découvrir, c’est d’aller voir.

 

On ne peut plus songer à l’occupation de l’emplacement de lisière où les affaires vont de plus en plus mal. Le colonel fait rappeler au poste de commandement le lieutenant colonel et le commandant du 2e groupe et se faufile, comme il peut, dans la masse inextricable des canons, caissons et avant-trains.

 

Il ne tarde pas à apprendre que le 1er groupe, celui qui, revenu de la flanc-garde, avait rallié la colonne, n’a pu pénétrer en entier dans l’unique allée du bois bourrée de batteries, et que son échelon, arrêté à l’entrée vient d’y être attaqué à bout portant, par des fantassins et des cavaliers à pied débouchant des lisières.

 

Cet échelon a été rapidement anéanti par un feu d’enfer ; suivi d’un abordage à la baïonnette.

 

L’entrée sud du bois appartient à l’ennemi la route est encombrée de matériel, de cadavres d’hommes et de chevaux. Il ne faut plus songer à sortir par le sud du bois, où la colonne est désormais embouteillée.

 

 

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Parvenu jusqu’à la batterie, la plus voisine du 1er groupe, le colonel, qui en sait assez, va remonter vers le général de division pour étudier les moyens de se dégager. La fusillade éclate maintenant par le nord, par l’est, par le sud et un peu aussi par le sud-ouest.

 

A ce feu viennent s’ajouter des shrapnels, puis des obus explosifs provenant en partie d’une artillerie que le capitaine Grandcolas, commandant la 2e batterie, a aperçue au sud de la Grande-Huqueny, chose peu croyable, mais confirmée par la suite, à proximité immédiate des routes que viennent de parcourir le général de division, son état major, la 65e brigade et le groupe d’artillerie, rentrant de leur mission en flanc-garde.

 

Pendant qu’il se trouve à la 9e batterie, le colonel Paloque constate que la fusillade se rapproche ; les balles pleuvent sur les caissons ; les chevaux surtout tombent nombreux. Le colonel donne l’ordre de mettre tous les canons en batterie, sur la route même, au milieu des avant-trains, des caissons et des chevaux, en enfilant les rares allées ou éclaircies du bois, et d’ouvrir le feu sans délai sur les groupes d’infanterie ennemie et de cavaliers à pied qu’on aperçoit parfois (dans la position du tireur à genou) ou que l’on devine à leur tir, à quelques pas sur le flanc.

 

L’adjudant de la 9e batterie, un brave ! qui voulait des précisions, demande au colonel « Que faudra-t-il faire ? »

 

Le devoir imposa à son chef de lui répondre « Rester et tirer. »

 

 

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Il est resté, simplement et parce que c’était l’ordre. Il a été fait prisonnier au milieu des tués et des blessés qui l’entouraient, au milieu de ses caissons vides et de ses pièces déclavetées, après avoir tiré à 500, à 300, à 100 mètres, et, enfin, à obus explosifs, les pièces pointées sur le sol à quelques mètres devant les canons.

 

Mêmes tirs au 1er groupe, qui a tenu là jusqu’à la tombée de la nuit, avec la poignée d’hommes restés debout. Son chef, le capitaine Laperche, ayant enfin donné le signal de se retirer à travers bois vers l’ouest, veut, pour avoir accompli tout son devoir, revenir sur le front de ses batteries anéanties et s’y fait tuer à son tour.

 

De ce groupe 1er groupe revenant de la flanc-garde, l’A. D. 3, n’a récupéré :

 

Pour la 1re batterie, que le capitaine Ducasse, quelques hommes ; pas de voitures ni de chevaux.

 

Pour la 2e batterie, que le capitaine Grandcolas, qui sut ramener 118 hommes en ordre et 76 chevaux ; pas de voitures, chose impossible à travers les taillis.

 

Pour la 3e batterie, celle de queue, un avant-train de fourgon, attelé à deux, dont l’arrière-train était resté coincé entre deux arbres.

 

Pour la 9e batterie, la plus voisine du 1e groupe, le capitaine Verdalle, deux sous-lieutenants, 95 hommes, un caisson attelé à deux, deux avant trains.

 

Mais de quel prix l’ennemi a-t-il payé ses trophées ? Il faudrait décupler le nombre de ces pages pour y faire figurer la simple énumération des actes d’héroïsme collectifs et individuels. Voici, pour être bref, un simple aperçu donné par l’un des acteurs et témoins.

 

Les camarades tombent, dit-il. Qu’importe la mort ! Il faut arrêter les Allemands ; il faut sauver les pièces les survivants se battent avec un entrain endiablé. Plus de munitions ! Eh bien ! à la baïonnette, et les canonniers du 18e sont d’admirables fantassins…

 

Dans cette terrible journée du 22 août 1914, les canonniers et gradés du 18e montrèrent leurs qualités habituelles de bravoure et d’entrain, de discipline et de courage.

 

On ne saurait citer tous les actes héroïques dont la forêt de Luchy fut le théâtre.

 

Le sous-lieutenant Darbeley est tué en arrosant de pétrole ses canons, dans le but d’y mettre le feu.

 

Les canonniers Boué et Dagassau. dont la pièce a dû être abandonnée, déclavettent le canon et, de leur propre initiative, enlèvent la lourde culasse, qu’ils portent â bras durant plus d’une heure.

 

Une pièce ayant deux de ses attelages tués, le conducteur Saint-Genès, qui reste seul, coupe, sous un feu violent, les traits des chevaux tombés et, avec son attelage, tente de dégager le canon ; celui-ci, légèrement embourbé, ne bouge pas ; le servant Lacapère, doué d’une force exceptionnelle, s’applique aux roues et parvient à faire avancer le canon, qui est ainsi sauvé (5e batterie).

 

Le fait que des noms vont être cités, comme figurant dans l’extrait reproduit, n’a nullement le caractère d’une mise en vedette, bien des noms, non cités, étant ceux de héros qui accomplirent des actes non moins méritants, dont la relation, pour les raisons données ci-dessus, ne peut trouver place dans ce court récit.

 

 

 

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Le maréchal des logis Ehrardt, bien qu’agent de liaison et dégagé de toute autre mission, voyant une pièce inutilisée, par suite de la mise hors de combat de tous ses servants, lire seul avec cette pièce et se fait tuer sur elle.

 

Le lieutenant Carré (2e batterie), s’armant d’un mousqueton, muni d’un sabre-baïonnette, arrache par sa conduite des cris d’enthousiasme parmi les survivants et dégage le colonel Appert, commandant le 11e R.I., qui, n’ayant plus près de lui qu’une poignée de ses fantassins, était serré de près par l’ennemi et sur te point d’être tué ou pris.

 

Les pertes du seul 1er groupe : 8 officiers, 250 hommes, 350 chevaux, suffisent à montrer toute l’âpreté du combat de Luchy. Des unités entières se sont sacrifiées pour le salut des camarades de toutes armes, pour le salut de leurs pièces, s’il eût été possible et pour l’honneur.

 

La fortune n’a pas souri, mais elle ne put empêcher que, le jour de son premier combat, le 18e régiment d’artillerie écrivit su première page de gloire.

 

Parvenu auprès du général de division, non sans de grandes difficultés pour se mouvoir à travers le fouillis des voitures, et ayant rendu compte de la situation en queue, qui abolit toute possibilité de dégagement par le sud, le colonel apprend qu’un officier envoyé par le général de division a trouvé une issue permettant de sortir du bois par l’ouest et de gagner le terrain libre vers Jéhonville .

 

Ordre est donné au 2e groupe de s’engager dans ce chemin réservé à l’artillerie et longé en bordure de part et d’autre par l’infanterie restée encore intacte.

 

L’A.D avait encore à ce moment le 2e groupe au complet ainsi que les 7e et 8e batteries du 3e groupe.

 

Mais, comme on va le voir, ces unités étaient loin d’être au bout des infortunes de la journée !

 

Bien que l’itinéraire bois de Luchy-Jéhonville eût été jalonné par les soins du colonel, passé devant avec le général pour prendre des dispositions, le 2e groupe, à la bifurcation de la lisière est du bois de Luchy, s’engagea, pour des raisons mai éclaircies, non sur l’itinéraire indiqué, vers Jéhonville, mais sur le chemin se dirigeant au sud vers Blanche-Oreille. Cet autre itinéraire avait été précisément écarté, par le commandement, comme grimpant à la cote 471, point le plus élevé de la région. Le groupe tomba là sous le feu d’une artillerie ennemie qui eut tôt fait de l’encadrer.

 

 

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Voyant ses canons sur cette hauteur, alors qu’il les supposait sur l’itinéraire jalonné, le colonel, quittant le général de division, se porta au galop vers 471 et eut à subir, sur ce trajet, un tir de barrage qui le sépara de son état-major, capitaine adjoint, trompette, cycliste…

 

Il ne put que constater la catastrophe et reconnaître l’impossibilité de sauver la majeure partie du matériel soumis à un tir de destruction, sous les effets duquel on s’efforçait de dégager hommes et chevaux.

 

 

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Dans le même temps, le 3e groupe, voyant que la clairière où il débouchait était battue par artillerie, veut contourner la zone infranchissable, mais les pièces de la 7e batterie tombent alors dans des réseaux de fil de fer: deux canons versent en cage et malgré le feu qui se rapproche, le lieutenant Bonneval ne parvient, au prix de gros dangers et d’inimaginables efforts, à dégager et sauver que deux canons.

 

Enfin, tant il est vrai que le Dieu de la guerre s’acharne sur les vaincus, la 8e batterie, qui a été si près d’être écrasée comme sa voisine la 9e, dans l’allée centrale du bois, qui, ayant évité les fils de fer, a contourné à la sortie du bois la, zone battue et qui va être sauvée, vient s’envaser dans un profond bourbier insoupçonné, d’où le lieutenant Bourru de Lamothe ne parvient à retirer qu’un canon et six caissons.

 

Tels sont les résultats lamentables qu’entraînèrent, comme conséquence logique et fatale, les événements du début.

 

Ces événements, ayant laissé l’artillerie ennemie « sur le velours », lui donnèrent tout loisir pour repérer à son aise les uniques clairières permettant de sortir des bois et pour punir, par des rafales réglées, toute tentative de débouché.

 

Qui donc oserait blâmer une artillerie, soumise, à la suite de fautes qui n’étaient pas les siennes, à un si sanglant traitement, de ne pas donner le spectacle habituel de la tenue dans une manœuvre de garnison ?

 

 

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photo rare: prisonniers français juste après la bataille prise par un officier allemand

 

Peut-il ne pas y être constaté des scènes désordonnées voitures emballées, défaillances individuelles, yeux hors de la tête, hommes sans coiffure qui, sourds à tout ordre (et quel ordre donner sous le pilonnage des obus explosifs !), restent ahuris, le regard lointain et empli des plus atroces visions, ne sachant répondre que « Quel malheur »

 

Il est facile, après coup, de faire comparaître ses subordonnés dans une salle et de leur demander compte. C’est d’ailleurs une nécessité ; mais, pour porter un jugement, il ne faut pas oublier qu’à de tels moments l’action des commandants d’unités cesse de s’exercer par des rouages organisés.

 

Bref, ce n’est qu’après des scènes de désordre que le colonel, ayant pu récupérer quelques pièces, réussit à faire occuper près de la route, où s’écoulait un flot humain terriblement confus, un emplacement visible de cette route (ce qui mit sans conteste un peu de calme) et à placer enfin en surveillance sur la croupe au sud de Fays-les-Veneurs, trois pièces du 2e groupe, bientôt renforcées par trois autres du 3e groupe qu’amena le lieutenant-colonel. Cette dernière occupation de position s’effectua en présence du général commandant l’artillerie du 17e C.A.

 

 

39.jpg

 

A la tombée de la nuit, le colonel est touché par un ordre du C.A. prescrivant à l’artillerie de se replier sur Herbeumont. Il ne peut plus être question maintenant de l’A.D.32, mais de ses débris. Encore ces débris furent-ils dispersés du fait qu’un agent de liaison, placé par le générai commandant l’artillerie du 17e C.A., informa l’officier de tête du 3e groupe, qui eût dû suivre le 2e, que la cavalerie, en se retirant, avait détruit le pont de Dohan, sur la Semoy, et que les troupes devant y passer auraient à se rendre à Bouillon.

 

Ce groupe se rendit à Bouillon, n’ayant pas été atteint par l’ordre de se diriger vers Herbeumont et il ne put être retrouvé que le surlendemain !

 

Arrivé à Herbeumont au milieu de la nuit, le colonel Paloque y trouve les trois régiments d’infanterie de la division, les 7e, 9e et 11e, avec leurs chefs.

 

Le commandant par intérim de la 65e brigade avait été tué dans l’après-midi et le colonel le plus ancien de cette brigade de colonel commandant le 7 R.I.) en avait de droit pris le commandement.

 

 

bertrix-chevaux-tués-le-22-aout-14.jpg

 

La division, à Herbeumont, se trouvant séparée du général et de son état-major, dont on n’avait pas de nouvelles et sur le sort de qui on était fort inquiet, le colonel Paloque, jugeant qu’un commandant de brigade était présent et que ce chef était tout désigné pour prendre le commandement de la D.I., vint se mettre à sa disposition.

 

Le colonel le plus ancien de la 65e brigade déclara qu’il ne commandait cette brigade qu’accidentellement et qu’il estimait de son devoir strict de se mettre, comme le prescrit le règlement, sous les ordres du colonel le plus ancien. Cela dit, il remit au colonel Paloque l’ordre reproduit ci-après, qu’il venait de recevoir du corps d’armée, en ajoutant

 

« Nous sommes sous vos ordres. »

 

Ceci se passait avant 5 heures du matin, en présence des commandants des autres régiments, à savoir :

 

Le colonel Duport, dont l’activité et la bravoure dépassèrent, le 22 août, tout ce qui pourrait en être dit, et qui commandait le 9e R.I.28 ;

 

Le colonel Appert, commandant le 11e R.I. ;

 

Le lieutenant-colonel Bonus, commandant le 7 R.I., dont le colonel vient de prendre la brigade29 .

 

Contraint, par devoir militaire, de s’incliner devant l’irréductible résolution du colonel commandant le 7’ R.I., le colonel Paloque se trouva mis ainsi dans la peu enviable obligation d’assumer les plus redoutables responsabilités dans des circonstances considérées par tous comme désespérées.

 

Il n’y avait, certes, pas de temps à perdre !

 

 

site1-bertrix-chevaux-tués-après-la-retraite-des-français.jpg

 

 

Gardant les chefs de corps dans la salle, il s’écarta avec son capitaine adjoint pour étudier l’ordre du C.A., ainsi conçu

 

Expédié le. 23 août, à 2 h 15 min.

 

Arrivé le (en blanc).

 

Lieu de départ carrefour de Sainte-Cécile-Bouilloss et croisée de Rusa Herbeumont.

 

M. le Général commandant le 17e corps, à M. le Colonel commandant le 7e régiment, à Herbeumont.

 

Le colonel commandant le 7e régiment, disposant de tous les éléments de la 33e division, rassemblés à Herbeumont, qui passent sous son commandement, organisera la défense des passages de la Semoy à Cagnon et Herbeumont.

 

Trois compagnies du 209e sous les ordres du commandant Maillot, passent sous le commandement du colonel du 7e, ainsi que l’escadron divisionnaire de la 83e division.

 

Tous les convois, trains régimentaires et voitures du quartier général de la 33e division seront dirigés, dès le reçu du présent ordre, sur Pure, par Sainte-Cécile et Fontenoille.

 

Le quartier général du C.A. est à Mono.

 

Le colonel Hélo y enverra, dès le reçu du présent ordre, un officier de liaison et des estafettes.

 

P. O. Le sous-chef, Signé FERRADINI.

 

 

Le colonel Paloque, après avoir fait mettre en route les trains régimentaires, l’officier de liaison et les estafettes, rédigea et fit reproduire par le capitaine Déchaux les ordres qui furent relus, avant 4 heures, aux chefs de corps et aux autres intéressés.

 

Les commandants de régiments, bien que n’ayant, comme l’auteur de cette relation, pu prendre le moindre instant de repos depuis plus de vingt-quatre crucifiantes heures, s’empressèrent de remettre leurs troupes sur pied et d’exécuter.

 

De son côté, l’artillerie présente à Herbeumont se rendit dès l’aube sur les positions assignées.

 

 

site-so-be-bertrix-artillerie-33ème-division-anéantie.jpg

 

Le général Paloque, n’ayant pris de si redoutables responsabilités qu’à son corps défendant, s’inscrirait véhémentement en faux contre toute relation, tout historique, même officiel, toute déclaration, tout compte rendu qui feraient d’un autre que lui le chef de la 3e division pour l’organisation de la défense de la porte de France, sur la Semoy, au cours de la nuit du 22 au 23 août et de la journée du 23 août 1914.

****************************************************************************************************************************************

 

encore trois batailles ce même jours, encore un massacre, une impréparation évidente, des morts inutiles, un matériel perdu etc....

 

les pertes humaines pour se secteur furent pour les français encore démentes: tués, blessés, disparus et prisonniers , 9 100 hommes

 

pour les allemands, 4 200 hommes

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Invité §Jes257LV

[h1]Les prisonniers de la Grande Guerre retrouvent une existence numérique...[/h1]

http://www.lefigaro.fr/medias/2014/08/04/PHOc0bd4ed4-1bda-11e4-853f-48f2b2570615-705x453.jpg

 

 

La Croix-Rouge propose, depuis ce lundi, plus de 6 millions de documents sortis de ses archives sur les détenus de 14-18 et accessibles en ligne librement. Un témoignage historique dans lequel apparaît un certain Charles de Gaulle.

 

Cent ans après, le travail paraît presque inimaginable, voire farfelu. En 1914, la guerre qui débute en Europe apporte son lot de morts et de blessés, mais aussi de prisonniers. Soldats français, allemands, britanniques ou italiens capturés sur le champ de bataille deviennent une précieuse monnaie d'échange pour récupérer ses propres ressortissants emprisonnés par l'ennemi. Cette multiplication des prisonniers pousse le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), basée dans la neutre contrée suisse, à tenter de recenser les prisonniers et retrouver leur trace afin de « rétablir le lien familial ». De ce minutieux travail de fourmi résultent plus de 6 millions de fiches informatives sur les prisonniers, désormais accessibles à tous sur Internet.

 

« Ces documents étaient déjà accessibles au siège de l'association à Genève », précise l'organisme, mais cela demandait de se déplacer. L'inscription de ces archives au registre de la Mémoire du monde du patrimoine mondial de l'Unesco impliquait pourtant de rendre ce fonds accessible au plus grand nombre. Depuis 2008, le CICR s'est donc employé à scanner ces documents au format papier et, pour beaucoup, manuscrits, disponibles dans le fonds d'archives. Une recherche nominative parmi une douzaine de nationalités donne accès aux fiches d'index éditées au cours des quatre années de conflit par l'Agence internationale des prisonniers de guerre, créée en août 1914. Des renseignements sur le lieu d'incarcération et des corrections d'erreur d'homonymie y figurent, ou parfois, une mention d'avis de décès envoyé ou une simple croix. Des références renvoient à d'autres documents, notamment des registres de prisonniers, eux aussi numérisés.[h2]Les évasions du capitaine de Gaulle[/h2]

Parmi ces noms figure un certain Charles de Gaulle. Le général, capitaine à l'heure de la Première Guerre mondiale, a été capturé après une offensive allemande près de Douaumont, dans la Meuse, en mars 1916. Sous son nom, cinq fiches sont recensées. Le détail des registres auxquels elles se rapportent rappellent combien le capitaine du 33e régiment d'infanterie refusait d'être enfermé. En octobre 1916, Charles, André, Joseph de Gaulle (renommé de Goutle dans l'une des fiches par erreur) figure ainsi sur une liste de détenus « évacués le 7 octobre de Sczuszyn vers Ingolstadt ». Ce transfert vers un fort très sécurisé a lieu suite à une tentative d'évasion en perçant un trou dans le mur de sa chambre, comme le relate la Fondation Charles-de-Gaulle. Moins d'un an plus tard, son nom apparaît de nouveau sur un registre, concernant cette fois le camp de Rosenberg. Charles de Gaulle y a été envoyé en juillet, grâce à sa bonne conduite depuis un nouvel échec de fuite à Ingolstadt. Une autre liste de juin 1918 indique toutefois que le capitaine y avait été réincarcéré en novembre, ayant réussi à fuir avec un complice, avant d'être arrêté.http://www.lefigaro.fr/medias/2014/08/04/PHOe9d3f044-1bd4-11e4-853f-48f2b2570615-300x250.jpg

Maurice Chevalier, autre Français connu, apparaît lui aussi dans ce fonds d'archives. Le chanteur était soldat infirmier de 2e classe. Blessé dès le 22 août 1914, il est fait prisonnier et son absence de nouvelles inquiète. Le CICR effectue alors des recherches à la demande d'une certaine... Mistinguett, autre star de l'époque et compagne du chanteur. « Après plusieurs vérifications, on a retrouvé sa trace dans un camp », raconte David-Pierre Marquet du CICR, comme le montrent les documents numérisés. Maurice Chevalier a été incarcéré à Altengraben (Prusse), où il a appris l'anglais avec d'autres détenus internationaux, ce qui l'aidera dans sa carrière internationale après la guerre.[h2]Cartes postales carcérales[/h2]http://www.lefigaro.fr/medias/2014/08/04/PHOedefa422-1bd7-11e4-853f-48f2b2570615-300x200.jpg

S'ajoutent à ces données les rapports de plusieurs dizaines de visites dans des camps de prisonniers du monde entier, proposés sous la forme d'une carte interactive. Autre fonds surprenant: des cartes postales éditées par la Croix-Rouge. « Elles servaient aux prisonniers à rassurer leurs familles sur leur santé », précise David-Pierre Marquet. Ironie du sort: la pratique sera interdite en 1929 par la troisième Convention de Genève, accords liés à la Croix-Rouge, qui protège les prisonniers de la « curiosité publique ».

« La neutralité de la Suisse et du Danemark avait plus de sens dans le système de 1914 », souligne David-Pierre Marquet, insistant sur la place importante de ces documents sur fond de « guerre de médias » et de propagande. L'initiative revêt donc un intérêt historique, mais rappelle également que, cent ans plus tard, le CICR poursuit ce travail vis-à-vis des prisonniers et de leurs familles. « Aujourd'hui, le CICR fait un travail similaire à Guantanamo ou dans des camps par exemple, en permettant des conversations téléphoniques protégées. »

La suite des photos sur le lien ci dessous

 

http://www.lefigaro.fr/actuali [...] erique.php

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REPORTAGE: Bataille des Frontières

 

bataille de Belgique: bataille d'Anloy

 

 

Anloy moulin.jpg

 

ici, la bataille de l'intérieur avec un sacré témoignage, après avoir lu dossier, j'ai préféré révélé en même temps

que cette petite bataille, le fait que des atrocités se sont produites pendant l'invasion, c'est très peu connu mais

la Belgique a connu une multitude d'OURADOUR!

 

passons au témoignage:

 

 

Que s’est-il passé à Anloy en 1914 ?

 

Ce village a été le théâtre d’un épisode de la sanglante bataille des Frontières, opposant Français et Allemands le 22 août 1914. Des milliers de soldats, des deux camps, perdent la vie ce jour-là.

 

À la suite du combat, les troupes allemandes commettent des exactions sur les civils : 50 villageois sont assassinés les 22 et 23 août. Ces événements, et l’occupation qui s’ensuivit, a bouleversé durablement le mode de vie de la communauté villageoise.

 

 

 

anloy.jpg

 

 

21 Août 1914.

Les troupes allemandes arrivent en foule à Glaireuse, à Wachamps et dans toute cette région. Avant que ne tombe le soir, les cultivateurs travaillant de ce côté-là s'empressent de rentrer car le coin se remplit de soldats.

22 Août 1914.

Vers huit heures du matin passent de très nombreux cyclistes qui , on l'a su par après, vont se poster au Batti-du-Foi .

Vers onze heures, je vais au jardin de la propriété de mon frère Camille et j'en reviens bien vite très effrayée en entendant la fusillade du côté de la Voie-du-Sart, de Maissin et de Jéhonville.

J'en fais part à mon frère qui est lui aussi fort impressionné Après la messe du matin il avait

voulu faire une course du côté de Maissin et avait demandé à deux hommes de l'accompagner pour lui prêter leurs oreilles, avait-il dit ;

c'était Joseph Gérouville et Zéphirin Ponsard ; arrivés sur la hauteur et continuant vers le bas, ils durent bien vite rebrousser chemin tant les balles sifflaient à leurs oreilles, venant de toutes les directions ; l'engagement avait commencé à Maissin .

Et nous en arrivons maintenant à cette terrible et inoubliable après-midi

du samedi 22 août.

Quelque chose de grave se prépare, on le sent très bien ; vers 13h30, des troupes arrivent en masse de la Vaux et du Burnaumont; elles affluent aussi de la ruelle voisine de notre maison avec canons, mitrailleuses, camions et chevaux; tout cela passe devant chez nous

dans un fracas qui fait trembler les murs; et en même temps, une bande de chevaux montés ou désarçonnés venant de la Voie-du-Sart reflue devant la maison.

 

scirie La Rochette.jpg

Les troupes défilent et beaucoup les regardent derrière les fenêtres, en particulier mon frère debout à la fenêtre du haut : nous voyons bien tous les regards des soldats tournés vers lui.

Nous nous réfugions dans la chambre derrière, nous cachant dans l'encoignure des fenêtres car c'est maintenant le fracas des coups de feu venant de toutes les directions ; mon frère descend pour nous

rejoindre mais il n'a pas le temps de s'unir à notre récitation du chapelet que l'on entre à nouveau. "Mon oncle, on vient encore vous chercher" dit Louise. Il se présente à deux soldats qui le précèdent puis l'encadrent, traverse la route et dit à une voisine, Florence : "On vient me chercher pour soigner des blessés et des mourants"; il paraît calme et heureux.

Ce sont des détails que j'ai appris par après de la bouche de cette voisine ; elle l'a suivi des yeux depuis sa fenêtre , marchant entre les deux soldats qui se tenaient à une certaine distance de lui ; puis elle l'a vu s'écrouler vis à vis de la porte d'entrée des Maillard, touché par une balle tirée par un soldat qui le guettait à quelques dizaines de mètres devant lui.

Pendant ce temps, nous avions continué la récitation du chapelet et bien que la pensée ne me soit pas venue un instant qu'on était venu le chercher pour le tuer, entendant tout à coup ces coups de feu qui se répètent devant notre maison, je dis à Louise machinalement : "Ah mon Dieu, voilà déjà qu'on le tue". Ce n'était hélas que trop vrai !

 

ferme-de-louis-gillet.jpg

Au même moment , des soldats viennent ordonner à mon gendre d'aller ouvrir les portes de la maison de campagne de mon frère Camille ; il s'y rend et revient très vite à travers les balles qui sifflent à ses oreilles ; en passant , il voit qu'on est en train de placer des mitrailleuses et un canon devant la grange de la maison d'en face.

Louise et moi sommes plus mortes que vives. Un soldat entre ; je sors de la chambre; "Madame, vite dans le souterrain, je viendrai vous avertir s'il y a du danger". Nous descendons dans la cave avec la petite sans rien prendre, ni provisions ni vêtement. A peine y sommes- nous de quelques minutes que le soldat nous amène Odile, Julie et Joseph

Barras qui viennent de voir leur père tomber mortellement blessé, sur la place, à quelques pas d'ici. Ils disent à Louise que le Révérend Père est aussi tué : ils sont passés à côté de lui étendu au milieu du chemin.

Louise ne me dit rien de cette tragique nouvelle. "Notre dernière heure est arrivée" s'écrient-ils ! Nous prions de tout notre coeur, nous préparant à la mort quand nous arrivent encore Joseph Dauby, sa Odile est la grand-mère de Marie Thérèse Pipeaux femme et leur nièce avec ses cinq enfants ; ils ont été poussés par un soldat devant la porte de la cave après avoir dû quitter en hâte leur maison qui commençait à brûler.

Plus tard sont encore arrivés, Ernestine Poncelet et son mari ; celui-ci a été retenu prisonnier près de chez Joseph Barras ; il a ensuite retrouvé sa femme et tous deux ont

été conduits chez nous par un soldat ;

c'est encore un soldat qui nous amène enfin la veuve d'Auguste Ponsard avec les deux enfants de Nestor Maillard ; ce dernier, nous dit-elle, vient d'être tué entre ses deux enfants au moment où il quittait sa maison en feu ; un soldat allemand lui a jeté dans les bras les deux orphelins tout éperdus et les a poussés jusque chez nous ; elle ajoute que viennent aussi d'être tués en se sauvant par les jardins, Jules Barras et Omer Poncelet .

Tout cela dans le fracas des balles qui sifflent sans interruption, du bruit des canons et de la fusillade qu'on entend au loin ! Quel tapage et quelle horreur durant tout cet après-midi du 22 août !

 

Anloy (1).jpg

Ensemble dans la cave, nous prions tous les Saints du Paradis de venir à notre secours. Mon gendre Camille, lui, est à la cuisine faisant du feu, mettant de l'eau à chauffer, ouvrant fenêtres et portes suivant les ordres qui lui sont brutalement donnés ; mais dans quel état d'esprit car il voit l'incendie se propager de maison en maison dans toute la rue et s'approcher jusque chez Tolet et Godenir !

A un moment donné, la maison tout entière tremble, les fenêtres de devant volent en éclats!

une bombe venant de la direction de Jéhonville est entrée par le grenier et a traversé et brisé tout sur son passage ; la chambre au dessus de la cuisine et le grenier sont fracassés, les poutrelles coupées ; la bombe est ensuite descendue à la cuisine pour y éclater :

quel bruit, quel fracas ! Nous pensons à tout moment entendre la maison s'écrouler !

Vers le soir, la fusillade semble se calmer ; on entend soudain le retour des troupes qui viennent briser portes et fenêtres au presbytère, vider la cave, transporter partout des bouteilles, rentrer chez nous en masse, piller le magasin, vider les armoires de toutes les places, monter à l'étage, redescendre et fouiller partout. Nous sommes toujours à la cave avec de la lumière et Camille se trouve seul en haut avec des soldats partout ! Plus tard , vers une heure du matin ,il doit quitter la maison et partir à Glaireuse pour indiquer le chemin à un groupe de soldats.

 

anloy2.jpg

Quatre fois pendant cette nuit , des groupes de deux soldats descendent dans la cave, revolver au poing : chaque fois je vais au devant d'eux, lumière en main , en leur disant que nous ne sommes que des femmes, des vieillards et des enfants ; ils inspectent les lieux puis remontent en plaignant les enfants !

Je l'ai déjà dit, nous étions descendus à la cave sans aucune provision, sans un bout de pain ni un morceau de sucre et tous à moitié habillés ; nous découvrons heureusement des oeufs mis en conserve dans un bain de chaux et chacun peut de la sorte se restaurer quelque peu.

23 Août 1914.

Quel dimanche ! On en tremble encore, on hésite à sortir de la cave ;

"Je crains fort que mon frère nous ait quitté pour toujours"

dis-je à Louise qui me laisse encore l'espoir de le revoir. Profitant de l’accalmie, je me rends dès le matin chez Jules Barras pour me renseigner sur son sort car j'espérais encore qu'il se soit réfugié chez eux ; on me laisse croire qu'on l'a vu la veille au soir.

 

Maison Lebutte.jpg

La rue est remplie de soldats qui vont et viennent ; le corps d'un soldat allemand mort est là, étendu sur les genêts. Je demande à un soldat de m'accompagner pour conduire auprès de leur père grièvement blessé hier après-midi les trois enfants de Joseph Barras; celui-ci a été

recueilli chez Jules Gillet et a passé la nuit dans de grandes souffrances : il mourra dans l'après-midi assisté à ses derniers moments par l'Abbé de Glaireuse qui, avec deux civils, a passé la nuit prisonnier sur la Hoigne puis s'en est retourné chez lui.

 

 

l'auteur: LEONIE GILLET curé d'Anloy

 

 

JOSEPH ET LEONIE GILLET.jpgavis-mortuaire-dANLOY-22-23-aout-1914.jpg

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merci pour cette contribution jessie, je vais aussi le mettre dans témoignage de la page 1

 

je trouve l'initiative plus qu'interessante

 

Je suis stupéfaits de la qualité des différents reportages et de leurs illustrations ...

 

Franchement, les gars, ce topic mériterait d'être "récupéré" par les Archives Nationales concombrecharlie.gif.2e9ba685ad35f8454ccbce68969724f4.gif

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Invité §pie367dg

Trés bien le sujet sur les prisonniers de guerre, Jessie 11000, sujet évidemment méconnu.

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Invité §pie367dg

et je te remercie beaucoup d'autant que moi même, j'y prend un immense plaisir au delà des atrocités que je lis le plus souvent

 

merci encore, ça stimule

 

 

Bonsoir Zigomard, je suppose que tu continueras jusqu'à la bataille de Lille et de

Flandres, donc là je pense être en mesure d'apporter des précisions au moins

géographiques et quelques C P d'époque.

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Bonsoir Zigomard, je suppose que tu continueras jusqu'à la bataille de Lille et de

Flandres, donc là je pense être en mesure d'apporter des précisions au moins

géographiques et quelques C P d'époque.

 

 

oui, pour les flandres en plusieurs épisodes :jap:

 

et pour Lille, cela sera surtout par témoignages et j'ai deux livres sur la défense de la Ville (octobre/novembre)

 

j'ai encore une bataille pour celle des frontières, puis, c'est la belgique, puis la grande retraite

mais surtout, une explication sur deux batailles inconnues qui sans elles, la bataille de la marne aurait été perdue

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Invité guest527

Je suis stupéfaits de la qualité des différents reportages et de leurs illustrations ...

 

Franchement, les gars, ce topic mériterait d'être "récupéré" par les Archives Nationales concombrecharlie.gif.2e9ba685ad35f8454ccbce68969724f4.gif

 

 

+1

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merci Pollus

 

jessie, merci aussi pour les photos, je suis toujours intrigué par le faite que les vêtements portés par nos soldats des années 30 puis 40 sont les même que ceux de 18

 

ça fait comprendre combien nos militaires et politiques n'ont rien compris en 14, toujours en retard d'une guerre comme dirait De Gaulle

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REPORTAGE: Bataille des Frontières

 

bataille de Belgique: bataille de Maissin

 

 

maissin.png

 

ce reportage contient un amoncellement de témoignages

 

 

 

La IVème Armée Française : le 11ème Corps.

 

 

soldats.jpg

 

 

 

Il s’agit de la IVème Armée Française commandée par le général de Langle de Cary.

Concentrée au sud de Sedan sur la rive droite de la Chiers, le 16 août cette armée a reçu l’ordre « de s’établir de manière à pouvoir prendre position, l’heure venue, sur le front Rossignol-Neufchâteau-Maissin. »

 

Le 20 août, lui parvient l’ordre de " marcher en avant et d’attaquer l’ennemi partout où on le rencontrera ".

 

Le 11ème corps doit occuper la région de Maissin ; il comprend deux divisions : La 21ème Division composée de 4 R.I., les 64ème, 65ème, 93ème, 137ème ; le 5ème escadron du 2ème chasseur, le 51 R.A.C., une compagnie de génie.

 

La 22ème Division composée de 4 R.I., les 19ème, 118ème, 62ème, 116ème ; le 6ème escadron du 2ème chasseur, le 35 R.A.C., une compagnie de génie.

ces deux divisions viennent de Bretagne et de Vendée.

 

Pour les Français, les préparatifs lointains de la bataille de Maissin sont terminés. Le 21 au soir, ils sont à Bellevaux, Noirefontaine, etc. à environ 15 km de Maissin.

 

 

 

6.jpgDès les premiers jours d’août, la IVème Armée Allemande, sous le commandement du prince de Wurtemberg, s’était massée dans le Grand-Duché de Luxembourg.

 

Le 11 août, des uhlans paraissent à Libin. Dans la nuit du 12 au 13, l’un d’eux traverse Maissin ; il revient en arrière et demande le chemin des Abys.

Le 13, vers 7 heures, ils sont trois ; ils examinent le village. Au cours de la nuit du 13 au 14, il en vient plusieurs qui vont camper près de Framont.

 

A partir du 14, ils passent de plus en plus nombreux. Le révolver au poing, ils réquisitionnent vivres et boisson, se restaurant ainsi gratuitement.

Le 15 août, fête de l’assomption, pendant la grand-messe, un officier pénètre à cheval dans l’église. L’épouvante se lisait sur tous les visages surtout sur celui des enfants.

 

 

 

ulhans.gif

 

Le 19, à Villance et à Maissin, ils détruisent le téléphone public. Le 20, une escarmouche a lieu à Paliseul entre uhlans et chasseurs français. Le 21, nouvelle escarmouche à l’Almoine : un Français est tué, un Allemand blessé est ramené chez les religieuses, puis évacué vers Poix-Saint-Hubert.

 

l’armée allemande s’est mise en marche : à partir du 18 août, toutes les routes de la province de Luxembourg se couvrent d’interminables colonnes d’infanterie, d’artillerie, de munitions.

 

Le 21 après-midi, plus de 30.000 hommes sont massés à Smuid, Libin, Transinne, Villance ; ici, 24 canons sont mis en batterie vers Maissin attendant l’ennemi.

les forces des deux antagonistes s’équilibrent, mais la position occupée par les Allemands est de beaucoup supérieure à celle des Français.

 

 

Maissin

 

Au centre du village se réunissent deux grand-routes, l’une venant de Saint-Hubert, l’autre de Rochefort : elles offrent aux Allemands une grande facilité d’investissement de la localité. A partir de Maissin, ces deux voies n’en forment plus qu’une seule vers Paliseul, Bouillon, Sedan.

 

Maissin est entouré d’un vallon dont la profondeur varie de 20 à 50 mètres. A ce vallon succède la forêt : le Bolet, Champmont, la Membore, Burnobois. Les Allemands peuvent parvenir à Maissin sans être aperçus par l’adversaire.

 

 

site-maissin-route-de-sart.jpg

 

Au nord, à l’est et au sud, Maissin est entouré d’un vallon dont la profondeur varie de 20 à 50 mètres. A ce vallon succède la forêt : le Bolet, Champmont, la Membore, Burnobois. Les Allemands peuvent parvenir à Maissin sans être aperçus par l’adversaire.

 

 

De plus, de Villance, les Allemands découvrent la vaste plaine s’étendant à l’ouest de Maissin vers Paliseul (Bellevue) et Our.

Au sud, la forêt d’Homont cache la vue du village aux Français venant par la route de Jéhonville et de Paliseul. A la Bellevue, ils sont sous le feu direct de l’ennemi.

 

 

La journée du 22 août.

 

 

Grande fut l’activité de la cavalerie allemande pendant la nuit du 21 au 22. C’est un va et vient continuel vers Jéhonville, Paliseul et Our.

A l’aube, environ 150 uhlans sont réunis au centre du village ; deux éclaireurs français se montrent à la lisière de Bernobois, derrière le moulin. Les uhlans détalent vers Villance au galop.

 

 

uhlans.jpg

 

 

A 8 heures ½, arrive un escadron du 2ème chasseur français.

 

On met pied à terre. Les chevaux sont rangés autour de la vieille école et devant l’église.

Un officier nous annonce la mort de S.S. Pie X qui, dit-il," a offert sa vie pour la paix du monde ".

 

 

dragons.jpg

 

Il ajoute" Aujourd’hui, on se bat à Namur, Dinant, ici et jusqu’à Metz. Nous avons ordre de tenir pendant 24 heures. "

 

Arrivent deux éclaireurs par la route de Villance :" Chef, disent-ils, ils sont là sur la rivière, leur artillerie est placée derrière la butte.

Arrive un autre éclaireur par la route di" Pré " ; son cheval est blessé." Chef, dit-il, ils sont dans le ravin, en rang serrés ; de sa main il désigne La Core.

 

" Mes amis, s’écrie le chef, barricadez cette route ". – Chariots, tombereaux sont amenés au-delà de l’école des filles.

 

Le commandant paraît impatient : " Et notre infanterie qui n’arrive pas ! Et notre artillerie qui ne donne pas ! – Mes amis aux barricades ! Et ouvrez le feu ! – Et vous les civils, rentrez chez vous et cachez-vous ! »

 

Les canons allemands commencent à tonner, les obus sifflent au-dessus du village et éclatent vers Hautmont et le Bellevue. Le lutte est engagée entre chasseurs français et fantassins allemands : les balles pleuvent sur la place et sur les toits.

 

 

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Après une demi-heure, menacée d’encerclement, la cavalerie française se replie vers Paliseul.

Les Allemands envahissent le village par les routes de Villance, de Transinne, du Pré et de Lesse. Il y avait " tout gris tout partout ", m’ont rappelé les deux sœurs Marie et Céline Chaudrel.

 

Ils prennent position derrière les maisons, les haies, dans l’ancien cimetière, dans les vergers. Ils ont, si je puis dire, établi une ligne de combat partant de la lisière ouest de Bernobois, passant par le talus du vicinal, la nouvelle rue, la Nau, le verger Rossion, la route de Lesse.

 

L’artillerie allemande intensifie son tir, les premiers incendies sont allumés au bas du village.

 

Voici qu’arrive par la route de Paliseul et de Jéhonville la 22ème division française. Le 19 R.I. marche en tête ; il prend position dans Hautmont.

 

 

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Deux tentatives d’aborder le village sont repoussées. Un détachement parvient à l’extrémité du village. Les Allemands sont sous son feu ; les tambours battent, une fanfare résonne, les clairons sonnent la charge ; les 300 mètres séparant Houtmont du village sont franchis sous un tir meurtrier.

 

Un obus allemand anéantit la fanfare. Toute la 22ème division est engagée ; l’artillerie française répond enfin à l’artillerie allemande. Conduite par le commandant de Lahage de Meuse, une colonne traverse le bois Bernobois et parvient jusqu’au grand moulin. Le commandant est tué, la colonne doit battre en retraite.

 

Au village la bataille bat son plein sur toute la ligne indiquée plus haut. Poursuivis à la baïonnette, les gris, traqués de toutes parts, hurlent comme des fauves ; ils reculent jusqu’au centre du village et incendient toutes les maisons bordant la grand-route. Les balles frappent les façades des maisons, pleuvent sur les toits ; les hurlements redoublent.

 

 

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Les Français, toujours à l’arme blanche, gagnent du terrain peu à peu. Nous entendons un ordre :" Plus haut, les amis, plus haut ". Tout notre quartier est incendié.

 

Chez nous, les Allemands, brisant portes et fenêtres envahissent la maison en hurlant : " Franzous heraus ".

 

Mon frère et moi leur montrons le drapeau de la Croix Rouge, les lits installés dans les salles à manger. Je montre les autorisations de la Croix Rouge ; ils les déchirent, hurlant sans cesse :" Franzousen heraux ".

 

 

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Mes sœurs arrivent en larmes :" Ils ont mis le feu à la grange, disent-elles, nous l’avons éteint deux fois." Elles ont dû fuir, poursuivies par cette soldatesque déchaînée, le révolver au poing. Quelques uns passent dans les campagnes remplies d’Allemands pour se rendre au bois " Bolet ".

Des scènes analogues se sont déroulées un peu partout dans le village.

 

 

 

Il est 14 heures, la 21ème division vient relever la 22ème qui souffre beaucoup devant Maissin. Cette division venue par Opont et Our prend position à la sortie du bois " Ban «

 

Un malheureux incident français.

 

Monsieur l’abbé Joubaud, curé à Doingt Flamicourt, écrit :

 

"« J’étais soldat au 65 R.I., faisant partie de la 41ème brigade. C’est par de petites routes et des chemins de terre que nous arrivons dans un ravin où les premières balles allemandes sifflent à nos oreilles.

 

Il s’agissait d’atteindre en gravissant une colline par des champs d’avoine, l’orée d’un bois d’où partaient les balles de l’ennemi. – Nous montions par bonds courts et rapides vers le bois. Un incident malheureux se produisit à mi-chemin.

 

 

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Le 64ème R.I. nous suivait à une certaine distance. Il n’était pas prévenu de notre présence en première ligne. Il nous prit pour des Allemands qui se sauvaient devant lui et il se mit à nous tirer dans le dos. Il fut difficile de convaincre nos camarades de leur erreur. – Sonneries du cessez-le-feu n’aboutissaient qu’à nous faire mitrailler de plus belle. Il fallut nous mettre carrément debout dans le champ d’avoine et nous avancer vers eux pour faire cesser leur tir.

 

– Nous repartîmes tous en avant comme un seul homme ; peu avant la nuit, nous délogions les fantassins ennemis de leur position. Les clairons français sonnèrent le cessez-le-feu.

Le chef de notre 3ème bataillon, commandant de Saint-Exupéry était tombé au cours du combat. «

 

La 42ème brigade, composée des 93ème et 137ème R.I., est parvenue à Maissin par la vieille route d’Opont, dans la plaine de la Belle-vue. Vers 14 heures, après un vif combat, cette brigade entre dans le village.

 

Le 137ème arrive par la vieille route d’Our, perd son chef, le commandant Guillaumet. Une compagnie de mitrailleurs gagne la route de Lesse et anéantit une colonne allemande embusquée derrière la haie bordant cette route.

 

 

 

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Depuis 14 heures, je suis dans la première ligne allemande ; je ne parle pas de " l’aménité germanique " à mon égard. Deux fantassins tombent à mes pieds, raides morts ; des blessés reculent, ils se rendent vers l’arrière ; les autres mettent baïonnette au canon.

 

Vers 16 heures, c’est un véritable ouragan de fer qui se déchaîne. Un avion nous survole. – Au risque d’être abattu, je m’échappe et me trouve après quelques bonds au milieu des Français rangés en tirailleurs, baïonnette au canon. Au son du clairon, ils partent à l’assaut du Spihoux. Les hurlements redoublent, les hommes tombent les uns sur les autres, embrochés par leurs armes.

 

 

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Les hurlements s’affaiblissent peu à peu, les Allemands sont en fuite vers Villance et Transinne. Les Français vainqueurs, occupent tout le champ de bataille que la nuit tombante couvre de son ombre.

 

Maissin et son territoire sont comme un immense calvaire sur lequel des milliers de jeunes gens souffrent, agonisent et meurent.

 

-" Maman… j’ai soif… ! A boire… ! Maman, où es-tu ?... Priez pour moi !... " N’est-ce pas là l’écho lointain des plaintes du Sauveur du monde expirant près de Jérusalem !

 

Monsieur le curé Joubaud nous dit encore :

 

" Quelques camarades, grisés par le succès, s’engagèrent dans le bois où les baïonnettes fonctionnèrent. Plusieurs ne revinrent pas… Nous nous disions" On va sans doute passer la nuit sur la position et demain matin nous reprendrons la marche en avant vers… Berlin. "

 

Cette illusion fut de courte durée. Vers minuit un agent de liaison vint nous prévenir à voix basse de nous replier dans le plus grand silence : notre division était menacée d’encerclement par la gauche. «

 

Il s’agit de Porcheresse, village à 8 km au nord ouest de Maissin où deux bataillons français ont été surpris à 10 heures du soir par une brigade allemande.

 

Cet ordre de repli n’est pas parvenu aux troupes se trouvant dans le village et ses abords immédiats. A la lueur des maisons incendiées, ces troupes se préparent à reprendre la lutte à l’aube. Ces soldats appartenant aux deux divisions engagées la veille, se rangent en ordre de bataille, fusil à l’épaule, le long des routes de Villance, de Transinne, dans les vergers, derrière les murs calcinés, un peu partout.

Leur attente ne sera pas longue.

 

La journée du 23 août.

 

 

En effet, le duc de Wurtemberg, menacé sur sa droite, a demandé du renfort d’urgence, parce que, dit-il," il piétine devant Maissin ".

 

Ce renfort (VIII R.) lui est parvenu au milieu de la nuit.

 

Vers 2 heures, des coups de feu espacés éclatent dans toutes les directions. A l’aube, le village est bombardé ; un obus s’abat sur l’église. – Les vociférations allemandes se mêlent à la fusillade. Les Allemands mitraillent l’école des religieuses où plus de cent blessés français et civils sont réfugiés. Les colonnes allemandes parviennent aux abords du village et sur les hauteurs.

 

 

Vers 9 heures, les Français, non soutenus par leur artillerie, se retirent peu à peu. Un officier allemand arrive à l’école, il interpelle Sœur Adélaïde, lui déclarant qu’ils vont incendier les maisons n’ayant pas de croix rouge.

 

 

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Jusqu’à midi, nous assistons à des combats entre avant-garde allemande et tirailleurs français.

Les Hessois arrivent furibonds, se soûlent chez Joseph Lebutte (gare) et se mettent à tuer, martyriser les habitants, à piller, incendier les maisons qui restent.

A midi, ils défilent en rangs serrés chantant le " Deuchland uber alles ", le " God mit Uns ", le" Victoria, Victoria ".

 

Malgré notre dégoût, en moi-même, je me disais :" Pauvres jeunes gens, auxquels des maîtres ont enseigné qu’en temps de guerre tout était permis ; et dont les chefs orgueilleux considéraient un traité comme un chiffon de papier ! «

 

En fin de cette journée du 23 août, un Allemand me disait " Hir groos bataille, malheur, malheur, la guerre ! "

 

 

 

Horreur du champ de bataille.

 

Pour décrire cet aspect, les mots me manquent tellement il est horrible. Partout des morts et des blessés. Sur la plaine devant Haumont, les Français sont si nombreux qu’ils paraissent tombés coude à coude.

 

Tel au temps de la moisson un champ de blé parsemé de bluets et de coquelicots, telle après le combat apparaissait la plaine devant Haumont, jonchée d’uniformes français.

 

 

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Dans les rues, près des maisons en ruine, dans les vergers, Français et Allemands sont entremêlés. D’aucuns sont tombés empalés sur leurs armes.

 

 

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Sur la plaine de la Bellevue et vers Our : des morts des deux camps. A l’orée du bois Bolet, une compagnie française anéantie.

A la route de Lesse, une longue lignée d’Allemands entassés les uns sur les autres. – La crête du Spihoux est couverte d’Allemands mais aussi de Français tombés dans des corps à corps d’une violence inouïe.

 

 

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Des fusils, des munitions, des havresacs sans nombre, des équipements de toutes espèces ont été abandonnés.

 

Le village de Maissin, peut-on dire, n’existe plus, 75 maisons ont été incendiées, il en reste 25, dispersées çà et là, gravement endommagées. – Le bétail est décimé ; les récoltes piétinées. – C’est la ruine totale ; c’est la désolation la plus navrante.

 

 

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les batailles de Anloy et Maissin entraineront encore leurs lots de victimes, 6 600 hommes chez les français et 3 800 hommes chez les allemands

 

 

 

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Invité guest527

merci Pollus

 

 

J'avais peu de boulot aujourd'hui, alors j'ai rattrapé mes deux pages de retard :)

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Invité guest527

J'ai vu oui, merci :bien:

Mais je ne lis pas ça ce soir, sinon je n'ai plus rien à faire pour occuper mes journées au bureau :cyp:

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Invité §pie367dg

merci Pollus

 

jessie, merci aussi pour les photos, je suis toujours intrigué par le faite que les vêtements portés par nos soldats des années 30 puis 40 sont les même que ceux de 18

 

ça fait comprendre combien nos militaires et politiques n'ont rien compris en 14, toujours en retard d'une guerre comme dirait De Gaulle

 

 

Les uniformes en 1940 dans l'ensemble avaient peu changé, mais la couleur était devenue KAKI

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on quitte pour le moment la Bataille des Frontières bien que celle que je vous présente s'y intègre de toute son action mais je prendrai le nom Belge

de cette nouvelle Bataille

 

La Bataille de Sambre et Meuse

 

Bataille de Charleroi

 

 

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Quoi de mieux pour raconter une bataille que de se la faire raconter par celui qui commandait les forces de la 5è armée

 

LA BATAILLE DE CHARLEROI (Vue par le Général Lanrezac)

 

Le Général Lanrezac a écrit ce livre, à Neuilly, il la terminé le 30 juin 1916 et rectifié en janvier et en mai 1917, donc deux ans et demi seulement après les événements

 

 

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pour une fois, je mets en avant ce général mais je vous dirais pourquoi plus tard

 

 

 

21 AOUT DANS LA MATINÉE

 

1° A la Ve armée : Les 3e et 10e corps serrent sur leurs avant-gardes; le 1er corps ramène vers le nord les éléments qui bordaient la Meuse au sud de Givet; la division Boutegourd se porte à hauteur de cette ville; le 18e corps marche sur Thuin que sa tête atteindra entre 12 et 13 heures ; les 2 divisions Valabrègue suivent le mouvement du 18e corps ; le corps de cavalerie reste où il était, derrière le canal de Charleroi à Bruxelles; la brigade du 3e corps qui lui est affectée comme soutien est à Nalines, dont elle ne partira pour Fontaine-l'Évêque que dans l'après-midi.

 

 

2° L'armée anglaise, partant de sa zone débarquement (Wassigny-Le Cateau-Cambrai) entame son mouvement vers le Nord, le 1er corps à droite, suivant la route Landrecies-Maubeuge; les têtes de colonnes ne pousseront pas beaucoup au-delà du parallèle de Maubeuge, ce qui les laissera encore à 4 à 5 lieues de la route Thuin-Mons que nos alliés doivent atteindre pour être à le place de bataille; la cavalerie ira sur la ligne Condé-Mons-Binche.

 

 

3° Les divisions territoriales du général d'Amade restent dispersées en cordon de douaniers de Valenciennes à Cassel, avec la prétention d'arrêter les incursions de la cavalerie allemande dans tout le pays entre l'Escaut et la mer.

 

 

4° L'aile gauche de l'armée de Langle (IVe) atteindra dans la journée les bois au nord de la Semoy, d'où l'on compte qu'elle, pourra déboucher entièrement le lendemain.

 

 

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http://enenvor.fr/eeo_revue/nu [...] leroi.html

 

Devant le front de la Ve armée, notre cavalerie est partout aux prises avec la cavalerie allemande, qui déploie une grande activité. Nos cavaliers, peu à peu, sont obligés de se replier sur les avant-postes établis le long de la Sambre et le canal d Bruxelles.

 

Les Allemands, qui ont débouché du front Namur-Bruxelles, exécutent une conversion au tour de Namur, de telle sorte que leurs avant-gardes prendront successivement le contact des nôtres sur la Sambre, et en viendront aux mains d'abord avec le 10e corps vers 13 heures, puis le 3e corps et le corps Sordet entre 14 et 5 heures.

 

L'approche de l'ennemi est signalée; nos gens sont sur leur garde : il n'y aura de surprise nulle part.

 

 

 

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Au 10e corps, la division Bonnier (19e), qui forme avant-garde, tient, comme on l'a dit,. les passages de la Sambre à Ham, Auvelais et Tamines, se liant à droite aux avant-postes du 1er corps qui tiennent Franières, et à gauche, à ceux du 3e corps établis à Roselies.

 

Le général Bonnier pense sans doute qu'il doit à tout prix empêcher les Allemands de franchir la Sambre; sa conduite sera réglée en conséquence.

 

Dès 13 heures, l'ennemi attaque sur Auvelais et Tamines, se bornant à masquer Ham. Grâce à l'appui de son artillerie que la nôtre ne parvient pas à contrebattre, il s'empare, d'Auvelais à 14 h. 30, et commence aussitôt à s'infiltrer au-delà.

 

 

 

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Nos fantassins, que leur canon soutient mal parce qu'il ne peut pas faire mieux en raison du site, se rétablissent sur les hauteurs au sud d'Auvelais et cherchent à empêcher les Allemands de déboucher du village.

 

A 16 h. 30 le général Bonnier lance un régiment frais (le 70e) à la contre-attaque sur Auvelais avec ordre de reprendre la localité et de refouler l'ennemi au delà de la Sambre. Le régiment, dans un élan magnifique, atteint la lisière du village, mais ne peut y pénétrer : la préparation par l'artillerie a été presque nulle, et d'autre part l'infanterie allemande (la Garde), aussitôt maîtresse d'Auvelais, a eu soin de s'y organiser.

 

Cet échec, très coûteux, entraîne l'évacuation de Tamines, où nous avions tenu bon jusqu'alors et le repliement de toute notre ligne de combat sur les hauteurs immédiatement au sud de la Sambre.

 

 

 

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Les bataillons du général Bonnier, en butte à une canonnade intense et menacés par l'infanterie adverse qui cherche à s'emparer des hauteurs, à la tombée de la nuit, se trouvent en mauvaise posture, d'autant qu'ils sont menacés d'être débordés à gauche par des fractions allemandes, qui ont (vers 17 h. 30) chassé de Roselies les détachements du 3e corps et débouché au sud de la Sambre.

 

Le général Bonnier, fort ému, semble-t-il, d'avoir eu affaire à la garde prussienne, se met en retraite assez précipitamment; évacuant Arsimont sans grande raison, il ramène tout son monde jusqu'à la crête de Cortil-Mazet. Les Allemands ne l'ont pas suivi ; ils se sont bornés à occuper la crête au sud de la Sambre, de telle sorte qu'Arsimont reste libre.

 

Le détachement (2 bataillons du 41e) posté à Ham s'y est maintenu. Les postes du 1er corps placés à Franière et Florifoux n'ont pas été inquiétés.

 

Le général Defforges a fait avancer le gros de son corps d'armée: la division Böe (20e), chargée de prolonger à gauche la division Bonnier, à la nuit close, a occupé la région Sart-Saint-Eustache-Le Roux, avec un régiment (le 2e) à Arsimont et un bataillon au bois de Falisolles ; la division Comby (37e) s'est placée en réserve entre Fosses et Mettet.

 

 

 

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Du côté du 3e corps, les événements ont pris une tournure pareille.

 

La division Verrier (5e), placée à droite, gardait par ses détachements avancés Roselies, Pont-du-Loup et le Châtelet, et avait en outre un bataillon à Aiseau pour assurer sa liaison avec le 10e corps; la division, Bloch (6e), réduite à une brigade, gardait la Sambre de Charleroi à Marchiennes au Pont; la division Muteau (38e) était en réserve au sud de Gerpinnes.

 

Les Allemands, à 15 heures, ont pénétré dans le maquis de localités qui borde la Sambre au nord, puis ont attaqué Roselies et Pont-du-Loup ; ils ont échoué à Pont-du-Loup, mais, ayant réussi à enlever Roselies, ils ont envahi la rive droite, et, parait-il, poussé jusqu'aux abords d'Aiseau.

 

En somme, dans ces engagements du 21 (Ces engagements avaient eu un certain caractère de gravité, mais à cet égard, il ne faut pas exagérer comme le font nombre d'écrivains, qui représentent la situation de la Ve armée comme compromise dès le 21 août au soir.

 

 

 

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Au 10e corps, par exemple, sur 40 bataillons, 32 à 33 étaient intacts, car la division Bonnier n'en avait pas engagé plus de 7 à 8, qui avaient perdu environ 1500 hommes.), les premiers de la campagne, les 10e et 3e corps, établis sur la défensive et avisés de l'approche de l'ennemi, ont eu le dessous malgré que cet ennemi n'ait pas engagé contre eux plus de forces qu'ils ne lui en opposaient. Je constate leur échec sans chercher à l'expliquer, car si j'en entrevois les causes, je ne connais pas assez les faits pour en discuter.

 

Au corps de cavalerie, les détachements placés sur le canal à la gauche du dispositif d'avant-postes, à Luttre et à Pont-à-Celle, entre 14 et 15 heures, en ont été chassés par de l'infanterie adverse. Le corps de cavalerie a fait face au nord à hauteur de Courcelles. En butte à une canonnade assez violente, à 18 heures, il s'est replié sur la position de Piéton-Carnières ; l'ennemi ne l'a pas suivi.

 

Le général Sordet, informé que des troupes de toutes armes avaient débouché à l'ouest de Gosselies, a jugé prudent de ramener ses divisions plus en arrière, vers Merbes-le-Château. Le mouvement commençant entre 22 et 23 heures, certaines unités n'atteindront leurs cantonnements que le 22 à 5 heures. Le repli de notre cavalerie est couvert par la brigade Hollender, arrivée à la nuit close, et qui s'est établie en arrière-garde sur la position Fontaine-l'Evêque-Anderlues-Trieu.

 

 

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Les Allemands ont commencé l'attaque des forts nord de Namur dans l'après-midi.

 

Les comptes rendus, qui me parviennent dans la soirée, ne rapportent que les faits survenus avant 16 heures; ils m'apprennent donc simplement que les Allemands ont pris le contact immédiat de la Ve armée tout le long de la Sambre, de Namur à Thuin.

 

Je ne sais rien des combats assez durs livrés par les 10e et 3e corps postérieurement à 16 heures, et j'ignore que l'ennemi, maître d'Auvelais, de Tamines et de Roselies, a occupé les crêtes au sud. Peu importe, du reste, car si le fait m'était connu, je n'en concevrais aucune inquiétude; car mon intention, en cas d'attaque adverse, était de me battre, non sur la Sambre, mais sur la position indiquée par mon ordre du 21 août, 8 heures, position prise à environ 2 lieues plus au sud.

 

En tout cas, la Ve armée est désormais dans l'impossibilité de prendre l'offensive ; il faut qu'elle attende l'attaque allemande qui peut commencer sur son front le 22 août à l'aube. J'ai la conviction absolue que mes corps d'armée contiendront sans peine, les 22 et 23, les corps adverses qu'ils ont en tête.

 

 

 

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D'autre part, j'estime que le groupe ennemi qui était le 20 entre Nivelle et Bruxelles, si vite qu'il marche, ne sera pas en mesure d'inquiéter sérieusement ma gauche avant le 23 après-midi; or, à cette date, les Anglais auront débouché à ma hauteur. Enfin, l'armée de Langle, le 22, aura, J'espère, gagné assez de terrain au nord de la Semoy pour attirer, sur elle les corps adverses signalés à l'est de la Meuse, entre Dinant et Marche, de telle sorte que je n'aurai plus grand chose à en craindre.

 

Le seul point noir est que les Anglais vont avoir probablement sur les bras des forces allemandes, supérieures; qu'ils pourraient par suite être contraints assez rapidement à battre en retraite, ce qui me mettrait dans l'obligation d'en faire autant au plus vite.

 

Quoi qu'il en soit, j'estime que, jusqu'au 23 août au soir, j'ai le droit de voir venir. Mes troupes sont déployées, prêtes à attaquer aussi bien qu'à se défendre : je n'ai qu'à attendre (Je donne ici ma manière de voir sur la situation générale la 21 à la nuit tombante; au lecteur d'apprécier.)

 

 

 

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22 AOUT.

 

Établissons la situation de la Ve armée le 22 août au lever du jour.

 

Le 10e corps est déployé sur la ligne Cortil-Mazet-Sart-Saint-Eustache : la division Bonnier à droite, à cheval sur la route de Fosse à Auvelais; division Boë à gauche, avec, postes à Arsimont et au bois, de Falesolle; la division Comby en réserve entre Fosse et Mettet; les postes avancés au contact de ceux des Allemands (la Garde) établis sur le dos de terrain au sud de la Sambre; le détachement placé à Ham-sur-Sambre y est toujours.

 

Le 1er corps, qui attend la division Boutegourd, ne sera rejoint par elle que dans l'après-midi; par suite, le gros du corps d'armée ne sera disponible qu'assez tard; une brigade occupe Sart-Saint-Laurent, ses avant-postes sur la Sambre, de Franière à Floriffoux.

 

 

 

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Au 3e corps, la division Verrier, placée à l'aile droite, a eu la malencontreuse idée de reprendre Roselies par une attaque de nuit (Cette attaque de nuit était blâmable sans réserve, car aucune des conditions indispensables dans une opération aussi hasardeuse n'était réalisée.

 

D'après un compte rendu verbal que me fit le général Sauret, le 27 août 1914, à Marles, il paraît que des fractions de la 5° division étant restées encerclées dans la zone envahie par les Allemands le 21 au soir, le général Verrier avait demandé l'autorisation de les dégager par une attaque de nuit.

 

Le général Sauret avait d'abord refusé en objectant mon interdiction " d'aller dans les fonds de la Sambre "; sur les instances du général Verrier, disant " que l'honneur militaire ne permettait pas d'abandonner ainsi des camarades ", il avait fini par autoriser l'attaque, en spécifiant qu'on n'y engagerait pas au delà de trois bataillons; malheureusement, l'affaire une fois commencée, on s'était trouvé entraîné à faire intervenir sept à huit bataillons, sans résultat d'ailleurs.); elle a échoué dans cette entreprise où elle s'est usée aux trois quarts de telle sorte, qu'au jour, elle était dans un grand désordre.

 

 

 

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Cependant elle s'est reformée et poursuit son action sur Roselies. Le 18e corps n'a pas bougé; il tient Thuin, Ghozée, Marbaix et Ham-sur-Heure; sa cavalerie surveille les passages de la Sambre entre Thuin et Marchiennes-au-Pont.

 

On a vu que le corps Sordet, au milieu de la nuit, avait rétrogradé vers Merbes-le-Château sous la protection de la brigade d'infanterie Hollender, laissée en arrière-garde sur la ligne Fontaine l'Évêque-Anderlues-Trieu.

 

Le 22 au matin, la bataille s'engage sur tout le front de la Ve armée; la situation prend assez vite une tournure défavorable pour nous.

 

Voyons d'abord ce qui se passe à l'aile droite.

 

Au 10e corps, les troupes, qui répugnaient à la défensive et attendaient avec, impatience l'ordre de se porter en avant, ont jugé inutile d'organiser leurs positions; les quelques travaux exécutés se sont réduits à de purs simulacres.

 

 

 

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A 6 heures, la division Boë, partant du front Le Roux-Sart-Saint-Eustache, se lance à l'attaque vers le nord, prenant sa direction générale entre le bois de Falisolles et Arsimont sur Tamines.

 

Le brouillard qui n'est pas encore dissipé dans les fonds de la Sambre et la configuration des lieux rendaient déjà la tâche de l'artillerie très difficile; la précipitation de l'infanterie la rend plus difficile encore, de telle sorte que nos batteries ne peuvent intervenir efficacement sur les rares points où cela serait possible.

 

On avait dit et répété sur tous les tons à nos officiers, qu'à la condition d'attaquer à fond et sans tergiverser, ils trouveraient le plus souvent l'ennemi en train de se former, qu'ils le surprendraient et en auraient ainsi facilement raison ; or, ils trouvent les Allemands les attendant de pied ferme, l'infanterie établie sur de solides points d'appui que flanquent des mitrailleuses en grand nombre, l'artillerie intervenant avec une efficacité encore appréciable grâce à la souplesse de ses méthodes de tir et à l'abondance de ses munitions.

 

 

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Nos fantassins ne se laissent pas arrêter par les projectiles de l'artillerie adverse; ils courent à l'infanterie; mais soudain ils sont criblés de feux de mitrailleuses et de mousqueterie, partant à courte distance et qui jettent à terre en un instant la plupart des chefs et des meilleurs soldats. Rebutés, les nôtres reculent, mais font face presque aussitôt à l'adversaire et parviennent à le contenir.

 

Entre 8 et 9 heures, la division Bonnier attaque à son tour à l'est d'Arsimont, mais elle se trouve arrêtée au débouché. Tout se passe de ce côté comme il a été dit pour la division Boë.

 

Les bataillons du 10e corps, vers 1l heures, entament un mouvement rétrograde en combattant de position en position.

 

A leur gauche, la division Verrier (du 3e corps), qui avait lâché prise devant Roselies à 9 heures, recule vers la ligne Binche-Bouffioux-Chamborgneau.

 

 

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Le général Defforges lance successivement deux régiments de la division Comby à la contre-attaque par Fosse vers Arsimont, sans autre résultat que de ralentir un peu les progrès de l'adversaire.

 

Celui-ci nous croit sans doute dissociés, car il entreprend d'attaquer sur divers points dans des formations assez compactes. Dès que son infanterie apparaît en terrain découvert, nos batteries ont vite fait de lui infliger la leçon que mérite son imprudence; elle se le tient pour dit et dès lors ne montre plus que des lignes de tirailleurs qui se terrent et laissent agir leur artillerie.

 

 

 

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Les projectiles des obusiers de 15 centimètres allemands, les " Marmites ", comme les appellent nos soldats, causent à ceux-ci une impression profonde; pour eux, l'ennemi a en quantité des pièces de gros calibre, tirant de si loin que les nôtres ne peuvent les atteindre. La vue des nombreux avions adverses, qui viennent à chaque instant les repérer, les exaspèrent.

 

Je m'étais transporté à mon poste de commandement, Florennes, et m'y suis rencontré avec le général Defforges qui venait me rendre compte des événements survenus depuis le matin. Comme je lui adressais le reproche d'avoir contrevenu à mes ordres formels en laissant ses troupes s'aventurer dans les fonds de la Sambre., il s'est excusé en disant " que la division Boë lui avait échappé ".

 

 

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J'ai constaté que, malgré tout, l'ordre règne au 10e corps.

 

De repli en repli, le corps d'armée, vers 16 heures., se trouve ramené à cette position de Fosse-Vitrival-Le Roux-Sart Saint Eustache dont mon ordre du 21 août matin lui assignait la garde. Malheureusement les troupes sont épuisées, et d'autre part, rien de sérieux n'a été fait pour mettre la position en état de défense.

 

Le 10e corps doit continuer à reculer; à 19 heures, il s'arrête enfin : la droite sur les hauteurs au sud de Fosse et de Vitrival, se liant à l'est avec la brigade du 1er corps qui occupe Sart-Saint-Laurent; la gauche sur la ligne devant les Bois Gougnies qu'elle quittera à la nuit close pour se replier sur Scry devant Mettet et Biesmes (Pourquoi un tel recul de nuit !).

 

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Le 10e corps, qui ne compte pas moins de 40 bataillons, a été engagé sur un front de 6 kilomètres avec, ses flancs appuyés; il était déployé à courte distance de l'ennemi lorsque le combat a commencé; malgré ces conditions favorables, et bien que les Allemands n'aient pas engagé contre lui des forces supérieures, à la nuit close, il est dans un état d'usure assez grand, du moins l'infanterie, car l'artillerie est presque intacte. L'épuisement de l'infanterie vient surtout de ce que, dès le matin, elle s'est abandonnée dans des attaques exécutées sans précautions suffisantes et sans appui efficace d'artillerie contre un ennemi posté.

 

 

 

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À l'aile gauche

 

Le 3e corps, qui avait un secteur de défense couvert et compartimenté à l'extrême, devait y étendre son action sur un front de 12 kilomètres. Sa tâche était assurément très difficile, mais le général Sauret, qui disposait de 34 bataillons, dont 4 de réservistes, et de 36 batteries (abstraction faite de la brigade Hollender détachée avec le corps de cavalerie), était en mesure de s'en tirer à son avantage à la condition toutefois de pratiquer une défensive organisée avec le plus grand soin. Or, le 3e corps avait encore moins travaillé à se fortifier que le 10e; de plus, il s'est mal à propos dépensé en attaques fort imprudentes pour ne pas dire plus.

 

Ainsi qu'il a été dit en parlant du 10e corps, la division Verrier, assez mal remise de son attaque de nuit sur Roselies, au jour, a repris son action contre le village sans parvenir à dépasser les premières maisons. Entre 8 et 9 heures, elle a lâché prise et entraîné dans son recul les fractions de la 6e division qui combattaient à sa gauche. Toute la ligne de combat du 3e corps se replie sur les hauteurs qui dominent immédiatement la Sambre, de Presles par Binche et Bouffioux à Mont-sur-Marchienne.

 

 

 

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Vers 10 heures, de l'infanterie allemande (10e de réserve), sortie du Châtelet et appuyée par une nombreuse artillerie parvient à prendre pied aux abords de Bouffioux; la division Verrier tente en vain de refouler l'assaillant par de vigoureuses attaques partielles.

 

A ce moment, le général Sauret porte la brigade Schwartz de la division Muteau à la contre-attaque du nord-est de Gerpinnes vers le Châtelet, avec ordre de s'emparer du bourg et de refouler les Allemands au nord de la Sambre. La brigade, accompagnée de diverses fractions de la division Verrier, atteint la lisière sud du Châtelet, mais ne peut triompher de la résistance des bataillons adverses qui s'y sont retranchés.

 

Menacée d'être débordée à droite et à gauche, elle, bat en retraite entre 15 et 16 heures (Les actions menées par le 3° corps sont tellement confuses qu'il faut se contenter pour le moment d'une esquisse très sommaire. Je me bornerai à reproduire le récit que m'a fait à moi-même le général Schwartz au sujet des opérations de sa brigade.

 

 

 

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" A 40 heures, m'a-t-il dit, le général Sauret lui-même, me donne par téléphone l'ordre d'attaquer immédiatement à fond sur le Châtelet pour reprendre la localité et refouler les Allemands au-delà de la Sambre. Aussitôt l'ordre reçu, je cherche, sans succès, hélas ! où peuvent se trouver les unités du 3e corps que je vais soutenir. M'étant mis en relation avec le commandant de l'artillerie chargée de m'appuyer, je lui demande ce qu'il peut faire. Il me répond :

 

" Je ne puis contrebattre l'artillerie allemande, car j'ignore totalement où elle est et n'ai aucune chance de la découvrir ; d'autre part, dans le fouillis de couverts où votre brigade va s'engager, je n'aperçois pas un objectif d'infanterie. Cependant, si vous le désirez, je ferai tirer mes canons quand même pour faire du bruit. "

 

" Je réplique aussitôt que ma troupe est assez courageuse pour n'avoir pas besoin qu'on use pour elle d'un pareil procédé.

 

" Mes bataillons, ayant pris leur formation de combat, marchent résolument vers le Châtelet, et ne tardent pas à se trouver en butte à un feu d'artillerie des plus intenses; ils vont quand même et emportent les premières maisons du bourg, mais, malgré les plus vigoureux efforts, ne parviennent point à déloger de la localité l'infanterie adverse (10e corps) qui s'y est retranchée.

 

" Sur ma route, je n'ai trouvé que de très faibles fractions de notre 3e corps dont quelques-unes m'ont suivi; le champ de bataille m'a paru vide ou à peu près.

 

" Vers 14 heures, menacé d'être débordé à droite et à gauche, je mets ma brigade en retraite, et recule en marquant des temps d'arrêt partout où le terrain le permet. A la tombée de la nuit, ayant dépassé des avant-postes fournis par le 3e corps, je rassemble mes gens près de Gerpinnes et rallie ma division.

 

" J'ai perdu plus du tiers, de mon effectif en tués, blessés ou disparus ".

 

Je n'insisterai pas sur le fait relaté ci-dessus qui porte en lui-même une morale assez évidente.),

 

 

 

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Le 3e corps, que l'ennemi ne poursuit pas heureusement, se dégage tant bien que mal et va se reformer sur la ligne Gerpinnes-Tarsienne-Nalines, c'est-à-dire sur la ligne même que mon ordre du 21 août matin lui prescrivait de tenir; tous les rapports s'accordent à dire qu'on ne peut plus rien en attendre de vigoureux avant de l'avoir rallié.

 

Le 18e corps a été à peine menacé sur son front et a pu conserver sans peine ses points d'appui de Thuin à Ham-sur-Heure.

 

La brigade Hollender, attaquée sur Anderlues à partir de 9 heures, a pu rompre le combat et se replier par Thuin sur la rive droite de la Sambre où elle a été recueillie par le 18e corps.

 

Le général de Mas Latrie, qui a le sentiment que les Allemands cherchent à déborder sa gauche, en a conçu de l'inquiétude; cela s'explique.

 

 

 

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A 19 heures, sur un ordre de l'armée, il a porté une brigade (la 69e) de la division Excelmans sur Nalines pour y être à la disposition du 3e corps, et garde en échange la brigade Hollender de ce corps d'armée.

 

Le corps de cavalerie, alerté vers 14 heures, a rectifié ses positions autour de Merbes.

 

Les divisions Valabrègue ont atteint la région de Solre-le-Château.

 

Chez les Anglais, on a poursuivi le mouvement vers le nord : le gros du corps de cavalerie, une brigade d'infanterie arrivée en renfort (la 19e) et le 2e corps ont bordé le canal de Charleroi à Mons, la gauche à Condé-sur-Escaut, le centre à Mons, la droite à Obourg et Villers devant Ghislain; le 1er corps s'est placé en arrière à droite du e; une brigade de cavalerie est restée au sud-ouest de Binche. Telles sont les positions occupées le 22 au soir par nos alliés.

 

 

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La manœuvre débordante allemande a mis l'armée britannique dans l'obligation d'appuyer vers Mons, alors que le corps Sordet et la brigade Hollender reculaient vers la Sambre; de telle sorte qu'il y a entre les Anglais et la Ve armée un trou d'une dizaine de kilomètres, surveillé tant bien que mal par une brigade de cavalerie anglaise et par les patrouilles du corps Sordet.

 

J'ai renoncé à établir une liaison directe avec les Anglais, par Binche, puisque l'insuffisance des moyens (Et une autre raison encore : la difficulté d'assurer l'accord entre les Anglais et les Français des alliés qui ne parlaient pas la même langue et avaient une mentalité différente.) disponibles ne me permettait pas de la rendre efficace; je me suis contenté de la liaison indirecte, par Maubeuge.

 

Le corps de cavalerie Sordet est chargé de garder la Sambre entre la place et la gauche de la Ve armée; il sera relevé par les divisions Valabrègue, dès quelles seront arrivées, le 23 dans l'après-midi.

 

 

 

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On observera que le corps Sordet est si fatigué qu'il est incapable de remplir une mission. plus active (Ne pas oublier qu'il a fait mouvement au cours de la nuit du 21 au 22). J'espère que, le 23 au soir, il sera assez dispos pour se mettre en route afin de passer à la gauche des Anglais, comme l'a prescrit le général en chef.

 

Les commandants des 10e et 3e corps déclarent à l'envi qu'ils ont eu sur les bras des forces adverses très supérieures. En fait, on n'a identifié que trois corps actifs : la Garde, le 10e et le 7e placés dans cet ordre de l'est à l'ouest, et quelques fractions des Corps d'Ersatz correspondants.

 

Ma conviction est que l'ennemi, qui avait peut être à portée des forces considérables, n'en a pas mis en ligne plus que nous. S'il a pris l'avantage, c'est que partout nous avons agi avec maladresse.

 

 

 

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D'abord, les 10e et 3e corps ont contrevenu à mes intentions en allant courir l'aventure dans les fonds de la Sambre; dans ce dédale de localités, notre infanterie, sans expérience, peu ou point appuyée par son canon, n'avait aucune chance de réussir des attaques contre les Allemands, mieux encadrés et plus disciplinés, sachant faire un emploi habile du terrain pour une défensive momentanée, où leurs mitrailleuses allaient intervenir avec une puissance meurtrière effrayante.

 

D'un autre côté, aux 3e et 10e corps, nos troupes, qui avaient pourtant l'ordre de rester sur la défensive, ont commis l'abominable négligence de ne point se retrancher sérieusement, de telle sorte qu'elles n'ont pu limiter la portée des contre-attaques allemandes.

 

Des fautes d'exécution multiples et graves ont été commises, mais comment s'en étonner lorsqu'on sait que les chefs de tout rang n'avaient acquis en temps de paix aucune pratique sérieuse de leur métier, et qu'ils ont eu en quelque sorte à faire l'apprentissage de leur commandement le premier jour où ils ont eu l'ennemi à combattre, dans les conditions les plus difficiles qu'on puisse imaginer, Il est évident qu'une tactique de combat plus prudente, laissant davantage aux chefs le temps de réfléchir et de combiner, eût mieux valu pour des officiers intelligents autant que braves, et que les premières leçons de la guerre auraient instruits rapidement.

 

Enfin, si la plupart des unités ont montré, un grand courage, quelques-unes ont eu des défaillances abominables qu'on aurait évitées avec un encadrement plus solide et, surtout, une discipline plus forte.

 

 

 

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La situation de la Ve armée, le 22 août au soir, m'apparaît dans toute sa gravité; il n'y a pourtant aucune raison de désespérer. Les 10e et 3e corps ont été éprouvés, mais s'ils ont reçu de rudes coups, ils en ont porté d'aussi rudes à l'ennemi; ramenés dans une région plus ouverte, où leur artillerie, qui est intacte, pourra agir avec une efficacité réelle, ils se rallieront et seront bientôt, on peut l'espérer, en état d'attaquer à leur tour.

 

De plus le 1er corps, qui n'a pas combattu, est maintenant disponible en entier à l'aile droite; le 18e corps, à gauche, est intact, et les division Valabrègue sont à portée de le soutenir;. enfin les Anglais arrivent à la rescousse et vont, j'y compte, couvrir le flanc, du 18e corps.

 

J'ai la conviction que je prendrai l'avantage, mais un avantage limité dans ses conséquences, car dans un pareil terrain, une contre-attaque, si énergique qu'elle soit et lancée au bon moment sur un point bien choisi, ne fera pas une brèche assez grande dans l'ordre de bataille ennemi pour désorganiser.

 

Les Allemands, j'ai pu le constater, conduisent leur mouvement offensif contre la Ve armée avec méthode, en progressant de point d'appui en point appui. Notre contre-attaque refoulera bien leur première ligne, mais sera arrêtée de suite par les fractions placées en repli sur des positions aménagées.

 

Les corps allemands opposés à la Ve armée s'inquiéteraient probablement assez peu d'un échec partiel de portée limitée; en effet, je n'ai plus le moindre doute sur les conditions dans lesquelles s'effectue la manœuvre adverse à l'ouest de la Meuse.

 

 

 

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Ma conviction est que les corps que la Ve armée a en tète et qui forment l'armée de von Bülow comme on le saura bientôt, ont pour rôle de la maintenir, la décision étant confiée à une armée d'aile droite (armée de von Kluck),fortement constituée qui s'avance, à grands pas contre les Anglais qu'elle va menacer de front, .en même temps qu'elle les débordera sur leur gauche.

 

Or, il n'y a pas à espérer que l'armée britannique puisse " tenir le coup " longtemps : elle devra demander son salut à une prompte retraite; la Ve armée, débordée sur sa gauche, se trouvera en danger de périr si elle s'attarde au sud de la Sambre.

 

 

L'armée anglaise a une valeur que je ne méconnais pas : son infanterie, composée d'hommes vigoureux et bien dressés avec des cadres de premier ordre, sera à la hauteur de sa réputation, mais, pour diverses raisons, je ne crois pas qu'elle puisse tenir contre des forces très supérieures.

 

 

 

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23 AOUT.

 

Rappelons la situation de la Ve armée le 23 août au début de la journée.

 

Au 1er corps, la division Gallet est échelonnée de Sart-Saint-Laurent à Lesves; le gros du corps d'armée achève de se rassembler entre Ermeton-sur-Biert et Anthée ; trois bataillons de la brigade Mangin sont détachés à Namur.

 

La division Boutegourd borde la Meuse, d'Yvoir à Hermeton; tous les passages ont été détruits, à l'exception des ponts de Dinant et d'Hastières conservés je ne sais pourquoi, et que l'on détruira seulement à l'approche de l'ennemi.

 

Le 10e corps a sa droite sur les hauteurs au sud de Fosse et de Vitrival et sa gauche à Scry, devant Mettet et Biesmes.

 

Le 3e corps, renforcé de, la 69e brigade (18e corps), est déployé sur la ligne Gerpinnes-Nalines Claquedent.

 

 

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Au 4e corps, la division Jeannic occupe le front Ham sur Heure-Thuin, la division Excelmans, réduite à la 70e brigade, est en réserve près Montignies-Saint Christophe, la brigade Hollender est dans son voisinage.

 

Le corps de cavalerie est groupé au sud de la Sambre, entre la rivière et Cousolre, faisant tenir les passages entre la gauche du 18e corps et Maubeuge.

 

Les divisions Valabrègue sont à hauteur de Solre-le-Château.

 

Le Q. G. de la Ve armée est toujours à Chimay.

 

Les ordres donnés la veille au soir pour le 23 résument ainsi :

 

Les 10e, 3e et 18e corps tiendront ferme sur leurs positions;

 

Le 1er corps se formera à la droite du 10e pour attaquer en flanc, si possible, le groupe ennemi qui agit contre ce corps d'armée; les divisions Valabrègue se porteront au nord de Cousolre et relèveront le corps de cavalerie à la garde de la Sambre entre Solre et Maubeuge.

 

 

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Le corps de cavalerie, dès l'arrivée des divisions Valabrègue, appuiera sur Maubeuge afin de pouvoir gagner la gauche de l'armée britannique en passant derrière elle.

 

La bataille reprend sur tout le front de la Ve armée à 7 heures seulement.

 

Mon poste de commandement est à Philippeville. Les Allemands, qui se sont ébranlés tard, agissent avec circonspection; presque partout (et il en sera de même toute la journée) leur infanterie se terre, tandis que l'artillerie donne à son tir une intensité plus grande encore que la veille, semble-t-il : il pleut littéralement des " marmites ".

 

L'artillerie de nos corps d'armée, et notre artillerie lourde d'armée, répartie entre les 10e et 3e corps, contiennent l'infanterie adverse, mais sont toujours impuissantes à contrecarrer sérieusement l'artillerie, dont les lueurs mêmes sont invisibles.

 

La bataille se divise en deux phases à peu près distinctes, la première du lever du jour à 16 heures, et la seconde de 16 heures à la nuit.

 

 

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Première phase.

 

Aile droite

 

Au 10e corps, la droite recule et se reforme entre Scry devant Mettet et Saint-Gérard; la gauche 'qui n'est pas encore engagée demeure à Scry et à Biesmes.

 

Le 1er corps effectue son déploiement sur les hauteurs de Saint-Gérard, sa droite à Sart-Saint-Laurent.

 

Le groupe allemand établi à l'est de la Meuse, que l'on évalue à 2 corps d'armée environ, dès le matin a occupé Dinant (rive droite) et en même temps porté du monde à tous les passages de la rivière jusqu'à Yvoir en aval et Hermeton en amont; la fusillade et la canonnade, très intermittentes, se sont engagées d'un bord à l'autre; personne dans le camp français n'y prend garde, car on pense qu'il. s'agit de simples démonstrations.

 

Le 1er Corps est en place vers midi et se trouve alors disposé sur le flanc de la gauche allemande (la Garde) qui, à ce moment même attaque assez vivement le 10e corps. Il ne semble pas que l'ennemi se doute du péril auquel sa gauche est exposée.

 

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Le général Franchet d'Esperey, prompt à saisir occasion, décide d'attaquer; son artillerie prépare le mouvement par un feu intense. Les Allemands, qui ont senti le danger, s'arrêtent et prennent leurs dispositions pour faire face au corps. Celui-ci allait déboucher (13 heures), quand soudain le général d'Esperey l'arrête . Il vient d'être avisé que les bataillons de réservistes de la division Boutegourd, postés le long de la Meuse en amont de Dinant, ont laissé les Allemands (des Saxons) franchir la rivière ; qu'ils se sont repliés en désordre suivis de l'ennemi, dont un détachement a occupé Onhaye sur le plateau derrière, la droite de la Ve armée. Le général d'Espérey, anxieux (on le. serait à moins), arrête l'offensive de son corps d'armée, et retire du front gros de la division Deligny qu'il dirige sur Anthée, et une brigade qu'il porte sur Dinant. Comme je le dirai plus loin, en agissant ainsi, il ne fait que devancer mes ordres.

 

Les Allemands, rassurés par notre inaction, prennent leur attaque contre le 10e corps, assez mollement du reste : leur artillerie se dépense sans compter, faisant tomber une véritable pluie d'obus de tous calibres sur la zone occupée par nos troupes, mais l'infanterie n'engage que des lignes de tirailleurs qui progressent par infiltration, se bornant en somme à prendre, possession des points que nous abandonnons sous la protection de l'artillerie.

 

La partie du 1er corps restée à Saint-Gérard le 10e corps résistent énergiquement : les fantassins font bonne contenance malgré que leur énervement soit manifeste; nos batteries les soutiennent activement, contenant l'infanterie adverse mais toujours à peu près impuissantes contre artillerie.

 

 

 

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Quoi qu'il en soit, notre aile droite conserve presque tout son terrain et reste en liaison avec Namur.

 

Aile gauche

 

Sur le front du 3e corps, rien de grave jusqu'à 16 heures; l'ennemi ne sort pas de la zone boisé qui s'étend de nos positions à la Sambre.

 

Au 18e corps, la division Jeannic s'est maintenue sans peine de Thuin à Ham, les fraction, établies sur la Sambre à Lobbes et Fontaine-Valmont, à partir de 11 heures, ont eu à subir une violente attaque; les Allemands (7e corps se sont emparés du pont de Lobbes, mais tenté en vain de pénétrer sur la rive droite.

 

Au corps de cavalerie, rien d'important, ce qui s'explique, puisque la droite de l'armée britannique a débouché de Maubeuge et dépassé la route de Solre-sur-Sambre à Mons. A mentionner seulement que les batteries à cheval de deux divisions, placées au sud de Solre, ont eu l'occasion d'intervenir contre des fractions adverses qui attaquaient le détachement du 18e corps posté à Fontaine-Valmont.

 

 

 

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Rejoint par les divisions Valabrègue entre 15 et 17 heures, le général Sordet mettra ses escadrons en marche sur Maubeuge. En cours de route, avisé par le gouverneur, général Fournier, que les Anglais reculent sur Maubeuge, et que, par conséquent, le corps de cavalerie ne pourra pas y passer, le général Sordet fera obliquer ses colonnes sur Beaufort.

 

Sur tous les derrières de l'armée, on a le spectacle affreux des populations belges du Borinage qui fuient éperdues devant l'invasion allemande; des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, menant avec eux des véhicules de toute sorte, la brouette à l'immense fourragère attelée à quatre bœufs, couvrent les routes, barrant la circulation à tous les défilés.

 

J'avais de bonne heure gagné mon poste de commandement à Philippeville.

 

 

 

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Les comptes rendus reçus des corps d'armée, jusqu'à 13 heures, ont été plutôt rassurants. Le peu de mordant des Allemands m'a confirmé dans l'opinion que l'armée que j'ai en tête (armée von Bülow) veut avant tout me maintenir, pendant qu'une autre armée attaquera les Anglais. La circonspection que déploie l'ennemi ne laisse pas grand espoir qu'une contre-attaque puisse mordre à fond sur lui. Cependant la situation devant mon aile droite me paraissant favorable, je suis sur le point de donner aux généraux Defforges et d'Espérey l'ordre d'attaquer, lorsque me parviennent les nouvelles suivantes

 

1° L'armée, de Langle (IVe), mise en péril la veille, 22, à la sortie nord des forêts de la Semoy se replie sur la Meuse.

 

2° Une fraction de troupes saxonnes a surpris passage de la Meuse au sud de Dinant, bousculé les. bataillons du général Boutegourd et occupé Onhaye sur le plateau derrière la droite du 1er corps.

 

3° L'armée de droite allemande (von Kluck), rabattant de Bruxelles sur Mons, à marches forcées, va arriver en présence de l'armée britannique qu'elle semble vouloir attaquer à la fois son front et sur son flanc gauche.

 

L'incident d'Onhaye me cause, je l'avoue, une émotion très vive. Que peut être cette fraction ennemie qui vient d'apparaître derrière mon aile droite? Il ne m'est point permis d'attendre d'être plus complètement renseigné à cet égard pour prendre un parti; étant données d'une part la retraite de l'armée de Langle, et d'autre part la présence certaine à l'est de Dinant d'un groupe adverse évalué à 2 corps d'armée environ, je crois, je dois croire, que la fraction en question est une avant-garde qui va être renforcée si on ne la jette pas promptement à la Meuse.

 

La première chose à faire est donc de soutenir fortement la division Boutegourd; j'en envoie l'ordre au général d'Espérey : on a vu qu'il avait devancé mes intentions. Je rentre à mon Q. G. de Chimay pour être, à même de recevoir plus tôt des nouvelles et aussi es instructions du général Joffre, s'il juge utile de m'en adresser.

 

 

 

Deuxième phase.

 

 

A partir de 16 heures, la situation se gâte à l'aile gauche.

 

 

Au 3e corps, une attaque allemande qui débouche à l'improviste par le vallon de l'Heure surprend la division de gauche qui se retire en hâte. Tout le corps d'armée suit le mouvement rétrograde pour aller se rétablir sur la position de Chastres-Morialme; l'artillerie trouve là d'excellents emplacements d'où elle protège la retraite de l'infanterie. Cependant les troupes du général Sauret sont dans un tel état de confusion qu'on peut croire un moment qu'elles ne s'arrêteront pas à Chastres, malgré que les Allemands ne se montrent pas très pressants ; elles y parviennent néanmoins tant bien que mal (21 heures).

 

Au 18e corps, la droite (division Jannic), après une lutte opiniâtre, avait perdu Ghozée, mais était restée maîtresse de Thuin et de Marbaix; la retraite du 3e corps ayant découvert sa droite, à 19 heures, elle doit reporter sa ligne de combat sur le ruisseau qui coule de Thuillies à Thuin. La gauche du corps d'armée (brigade Hollender et70e brigade) a contenu victorieusement toutes les tentatives des Allemands pour passer la Sambre, de Lobbes à la Buissière.

 

Le général Valabrègue, entre 17 et 18 heures, sur une demande de secours du général de Mas Latrie, a fait appuyer le gros de ses forces sur Bousignies et Thirimont.

 

 

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Aile droite.

 

 

Le 10e corps, après 16 heures, avait encore reculé, mais très peu; à la nuit, il tient la ligne Graux-Mettet-Wagnée au nord de la route Bioul à Morialme.

 

Au 1er corps, la fraction laissée à Saint-Gérard s'y est maintenue; celle envoyée au soutien de 1a division Boutegourd parvient à destination sans incident après la tombée de la nuit.

 

Les bataillons de la droite du général Boutegourd se sont ralliés vaille que vaille à Anthée, Weilen et Chestravin ferme, et observent de là les sorties d'Onhaye que l'ennemi n'a pas dépassé.

 

Le parti allemand venu là se dérobera pendant la nuit; il était, parait-il (je ne suis pas encore fixé à cet égard), moins fort qu'on ne l'avait cru.

 

Les renseignements qui me parviennent à Chimay à la fin de la journée me convainquent bien vite de la nécessité de battre en retraite dans le plus bref délai.

 

D'abord, j'ai confirmation de l'échec de la IVe armée, qui, depuis le matin, rétrograde vers a Meuse, sa gauche se retirant sur Mézières, de elle sorte que la droite de la Ve armée est entièrement découverte. Sans doute, le fleuve est gardé de Givet à Mézières, mais seulement par quelques bataillons de réservistes; or, ce qui s'est passé à Hastières dans la journée ne m'encourage pas à faire confiance à ces unités.

 

 

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L'officier envoyé en liaison à Namur, le comandant Duruy, me rejoint et rend compte que les Allemands ont enlevé les forts du nord et occupé la ville. La garnison a pu s'échapper (la cavalerie et l'artillerie ont une attitude convenable, mais l'infanterie n'est rien moins qu'en ordre). Ces troupes belges, inutilisables pour le moment du moins, encombrent notre droite déjà si embarrassée par les milliers de fuyards de la population civile. Je charge le commandant Duruy de se rendre immédiatement près des Belges et de les remettre en route dans la nuit même pour Rocroi, d'où, d'où, après un court repos, ils continueront sur Laon pour y recevoir telle destination que le G. Q. G. jugera convenable.

 

On annonce que l'armée anglaise s'est arrêtée, et l'on peut prévoir qu'elle va être obligée de rétrograder, car le groupe allemand qui opère contre elle est plus fort qu'on ne le croyait:

 

" Le G. Q. G. a fait connaître au maréchal French qu'il a devant lui de 3 à 4 corps d'armée avec une cavalerie nombreuse. "

 

Cette nouvelle a jeté l'alarme dans le camp britannique où l'on s'imaginait n'avoir rien de sérieux à craindre de quelque temps. (Voir le Rapport du maréchal French.)

 

En ce qui concerne l'état de la Ve armée, je suis assez tranquille pour les 1er et 10e corps, malgré l'incident d'Onhaye, qui sera, j'en suis sûr; promptement réparé; par contre, la situation des 3e et 18e corps me paraît alarmante.

 

 

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Le général de Mas Latrie, déçu dans son espoir que les Anglais arriveraient à sa hauteur assez à,. temps pour couvrir sa gauche, et troublé par les nouvelles qu'il a du 3e corps, m'envoie des rapports pessimistes:

 

Le 18e corps peut encore "se défendre, mais non attaquer. "

 

 

Pour le 3e corps, je pourrais le croire en bonne posture, attendu que le général Sauret m'écrit : " Que ses troupes ralliées sur les positions que je lui ai assignées sont prêtes à prendre l'offensive ", mais ma satisfaction est de courte durée, car l'officier de mon état-major, qui était allé en liaison avec le 3e corps, me rend compte " qu'il y règne un grand désordre, et que, sur la simple menace d'une attaque allemande à la tombée de la nuit, la gauche a abandonné ses positions précipitamment".

 

Malgré que la situation exigerait une prompte intervention du commandant en chef, rien n'est venu du G. Q.G. Je suis en proie à une inquiétude extrême. On ne dira pas que mes craintes sont vaines; en effet, si grand que me paraisse, le danger, il l'est davantage encore, car partout l'ennemi est plus nombreux que je ne le crois.

 

 

13.jpg

 

 

Charleroi n'est pas loin de Sedan; de Sedan où, 44 ans auparavant, précisément à la même époque, la dernière armée française qui tint encore la campagne fut cernée par les Allemands et contrainte de capituler : abominable désastre qui rendit notre défaite irréparable; quel souvenir

 

Fuir n'est pas un acte glorieux; mais agir autrement, ce serait vouer mon armée à une destruction totale, qui rendrait irréparable la défaite générale subie à ce moment par les armes françaises sur tout le front, des Vosges à l'Escaut.

 

Quelques officiers de mon état-major (Je vise ici seulement quelques rares officiers qui faisaient partie des 1er et 2e bureaux de mon état-major. Celui-ci se composait en presque totalité d'officiers, remarquables sous le double rapport de l'intelligence et du savoir, et qui montrèrent toujours un zèle inlassable et une correction parfaite.

 

Je rendrai un hommage particulier au général Hély d'Oissel, chef d'état-major, au lieutenant-colonel Daydrein, sous-chef, et au capitaine Besson, mon officier d'ordonnance, qui étaient tous trois des hommes d'une valeur exceptionnelle.), loin de reconnaître ma clairvoyance, me taxent de pusillanimité; pour eux, je ne suis " qu'un " catastrophard " dont il faut se débarrasser au plus vite ".

 

 

 

Uhlans saxons.jpg

 

La retraite immédiate s'impose je prends le parti de l'ordonner, quoique convaincu que Joffre ne m'approuvera pas :

 

" La Ve armée, en marche avant le jour, le 24, se repliera sur la ligne générale Givet-Philippeville-Beaumont-Maubeuge ".

 

Je rends compte au G. Q. G., en lui demandant de m'indiquer la direction de retraite à suivre. Le lendemain, 24, vers 9 heures, je recevrai l'ordre dé " manœuvrer en retraite en m'appuyant sur Maubeuge à gauche et au massif boisé des Ardennes à droite. "

 

Mon récit des événements des 21, 22 et 23 août est très vague, mais la documentation fait défaut (Une documentation sûre.), et, de plus, je n'ai pas voulu, quand cela m'était possible, préciser davantage par crainte d'incriminer certains de mes subordonnés, alors que je n avais pas de preuves formelles à mettre à l'appui de mes allégations à leur égard.

 

 

 

carte positions forces 20 aout 14.jpg

 

Les faits, tels que je les ai exposés, emportent morale suffisante pour que je juge inutile de répondre aux critiques que l'on m'a adressées, longtemps après les événements, notamment pour avoir donné mon ordre de retraite du 23 août au soir.

 

 

 

 

l’ultime conclusion du professeur Georges Gay : « … Victoire signifie anéantissement du vaincu. Il ne peut donc être question de défaite de Charleroi. Succès momentané pour les I et IIème Armées Allemandes, cette rencontre n’en est pas moins pour elle un échec stratégique qui permit à la gauche franco-britanique de reprendre sa liberté d’action, autant de circonstances favorables à une victoire promptement remportée ne se représenteront plus jamais dans la suite.

… Il est permis de conclure que si le plan de campagne allemand a échoué sur la Marne, c’est en Lorraine et surtout en Belgique qu’il a reçu ses premières atteintes.

Grâce à la courageuse décision du Général Lanrezac, le Général Joffre a pu se redresser et rétablir l’équilibre de ses armées.

Symbole de nos déceptions et de angoisses du mois d’août 1914, Charleroi est une des étapes sanglantes par où l’Armée Françaises s’est élevée dans le sacrifice, vers la victoire de la Marne d’abord, vers la victoire décisive de 1918 enfin… »

 

 

 

 

A suivre

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le reportage étant trop long pour intégrer le sujet ci-dessus, je vous mets le texte à la suite, il permet de comprendre bien mieux tout

les efforts des deux groupes d'armées qui vont finir par s'entre tués

avant propos tout de même pour comprendre la suite:

 

 

La bataille de Charleroi est la rencontre entre le Ve armée française et les IIe et IIIe armées allemandes. La IIe progresse vers la Sambre et la IIIe tente de franchir la Meuse. La Ve armée française est ainsi attaquée de deux côtés à la fois et doit retraiter après deux journées de combat.

Circonstances de la bataille

Suite à la violation du territoire belge par l’armée allemande, Lanrezac craint que son armée soit encerclée par l’ouest. Il obtient l’accord du G.Q.G. de remonter jusqu’à la Sambre en territoire belge. Il y rencontre la IIe armée allemande qui converge vers le sud et la IIIe armée allemande qui progresse vers l’ouest, en cherchant à franchir la Meuse.

LA MANŒUVRE ALLEMANDE PREPAREE DANS LE PLUS GRAND SECRET

La réussite de leur remarquable manœuvre du mois d'août fut due à diverses causes.

En première ligne, il faut placer le secret absolu dont ils surent l'envelopper. Trois mesures

principales avaient été prises pour cela : du 14 au 24 août, tout service de la poste de campagne allemande fut absolument suspendu pour les troupes en marche ; les marches de nuit furent multipliées ; enfin un immense et impénétrable rideau de cavalerie fut jeté à 50 et 75 kilomètres en avant des tètes de colonne.

D'autre part, il n'y eut dans l'exécution de la manœuvre de pénétration et de déploiement à travers la Belgique centrale aucune hésitation, aucun flottement. Nous qui étions là et les voyions passer, nous avions l'impression d'une machine formidable de puissance admirablement réglée et fonctionnant avec la précision d'un mécanisme d'horlogerie, tant les les moindres détails de l'exécution avaient été minutieusement étudiés et préparés en temps de paix.

Ces gens n'improvisaient rien ; ils jouaient par cœur un morceau appris depuis longtemps ; chacun avait sa partie imprimée et l'exécutait les yeux fermés, de l'heure dite, l'œil fixé sur le bâton du chef d'orchestre, sans aucune fausse note ni attaque à contretemps. Rendons-leur justice ; leur partition, magnifiquement orchestrée et infatigablement "répétée", fut rendue à la scène dans toutes les règles de l'art.

le gros de la masse allemande fut jeté, en tête de marteau, à travers la Belgique centrale,

c'est-à-dire sur la rive gauche de la Meuse, et le front auquel était destiné ce coup formidable était le front Condé-Maubeuge-Namur.

Ce n'était donc pas seulement le Luxembourg belge et le sud-est de la province de Namur qui étaient envahis ; c'étaient, en outre et en même temps, le Limbourg, le Brabant, le nord-ouest de la province de Namur et tout le Hainaut !

Pour beaucoup de personnes mal instruites des choses militaires, ce fut un coup de surprise. Pour ceux qui savaient lire dans les faits, c'était la réalisation d'hypothèses parfaitement raisonnées.

Le samedi 22, le contact se prend entre les deux forces adverses, depuis l'ouest de Mons jusqu'à Virton, en passant par Mons-Binche-Gosselies-Charleroi-Tamines-Namur, Dinant et Neuchâteau. La ligne de bataille se développe en Belgique sur un front de plus de 200 kilomètres.

L'aile marchante de l'agresseur était son aile droite, composée des fameuses troupes d'élites, d'une endurance et d'une discipline exceptionnelles, qui accomplirent des marches presque surhumaines pour pouvoir faire le "grand trou" : jusqu'à 60 kilomètres en un jour !

Quantité d'hommes avaient les pieds écorchés, certains les os à vif ; tous n'avaient plus de leurs chaussettes que la jambe ; la semelle avait disparu, totalement usée. En route, pour aucun motif, on ne permettait aux soldats de s'arrêter ;

un malheureux, éclopé ou exténué, était-il hors d'état de poursuivre, on ne le hissait pas sur une voiture: un sous-officier le tuait froidement d'un coup de revolver dans la nuque. Le reste du troupeau, terrifié, reprenait son calvaire, sans même oser jeter, en passant, un regard sur le cadavre du malheureux sacrifié.

La IIIe armée allemande, sous le commandant du Generaloberst von Hausen, interviendra surtout par son 19e C.A. (von Laffert), qui traversera la Meuse en prenant la Ve armée en tenaille.

Ce n'est pas une bataille qui se livra alors, c'est quatre à la fois. Ou plutôt la grande bataille, unique par la pensée stratégique dont elle était issue, fut quadruple dans l'exécution par la distinction des théâtres géographiques d'opérations où elle se livra et par la division naturelle des relations qui en furent faites dans les bulletins officiels des deux belligérants ;

1° bataille de Mons (Anglais contre Allemands) ;

2° bataille de Charleroi-Namur (Franco-Belges contre Allemands) ;

3° bataille de la Lesse

4° bataille de Neufchâteau-Virton (Français contre Allemands).

 

****************

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La Bataille de Sambre et Meuse

 

la bataille de namur

 

 

2014-08-08_20h13_37.png

 

Vision de la bataille sur l'aile droite de la 5è armée française, comme à Liège, il fallait passer le barrage des forts...

 

 

 

namur-pont-de-luxembourg-avt-guerre.jpg

 

 

Namur occupe une position stratégique au confluent de la Sambre et la Meuse. C’est à cet endroit que fut construite la citadelle que l’on voit encore actuellement, à l’emplacement du château des Comtes de Namur.

 

Comment empêcher une invasion de la Belgique par ses voisins, soit qu’ils y passent pour atteindre l’autre, soit pour s’y affronter ? Il faut renforcer l’armée et cadenasser la Meuse. Namur doit faire obstacle à une attaque française, Liège doit faire barrage à une invasion allemande.

 

La future capitale wallonne sera ceinturée par neuf forts occupant des points culminants, les grands forts (Suarlée, Cognelée, Andoy, Saint-Héribert) alternant avec des forts plus petits (Malonne, Emines, Marchovelette, Maizeret et Dave).

 

 

 

Namur-carte-position-fortifiee.jpg

 

 

La construction des forts de Namur et de Liège est une révolution technologique et stratégique pour l’époque. Pour la première fois en fortification on marie le béton de ciment avec des coupoles blindées. L’importance des travaux est considérable.

 

On édifie en quatre ans 21 forts enterrés ce qui nécessite la construction et l’exploitation de 100 km (environ) de chemin de fer, le terrassement de plus de trois millions de mètres cubes de terre, concurremment avec la fabrication et le coulage d’environ 1.200.000 mètres cubes de béton

 

La dépense pour la construction des forts de la Meuse prévue initialement pour 24 millions de francs-or atteignit, quatre ans plus tard, la somme de 71.698.000 de francs!

 

 

 

maizeret.jpg

 

 

Progressant vers le sud, les envahisseurs se heurtent, le 20 août 1914, aux forts de Namur. Outre les troupes de forteresse de Namur, le gouverneur de la Place, le lieutenant-général Michel, dispose de la 4e division installée dans l’intervalle des forts (soit 37.000 hommes).

 

L’expérience de Liège sert les Allemands. Leur supériorité numérique (135.000 hommes) et l’emploi de 590 bouches à feu dont une batterie de mortiers de 420 et de 4 batteries autrichiennes de 305 rend la situation intenable pour les forts.

 

 

Terrassements des locaux.jpg

 

 

20 août

 

Les troupes allemandes commencent leur déploiement. Le but est de refouler les troupes avancées et d’aveugler les forts en s’emparant des observatoires.

 

Von Gallwitz veut une ouverture simultanée des feux de batteries pour entraîner la chute rapide des forts.

 

La 3e division de la Garde, qui s’est avancée au nord de la Meuse, bouscule les grand’gardes du IVe secteur. Le déploiement de l’artillerie de siège est contrarié par le tir efficace des coupoles du fort de Marchovelette.

 

 

vor_namur.jpg

 

 

Au sud de la Meuse, les reconnaissances allemandes sont arrêtées par la cavalerie et l’infanterie et les forts de Maizeret, d’Andoy et de Dave prennent sous leur feu les batteries qui s’avancent derrière les troupes d’investissement du 11e C.A.

 

Dans la soirée, la 3e division de la Garde occupe par des postes avancés les villages de Marchovelette, de Gelbressée et de Wartet. Son artillerie de campagne commence le bombardement des intervalles entre les forts.

 

Le 11e C.A. a déployé ses divisions à l’est de la vallée du Samson.

 

La 1e division de réserve de la Garde s’établit autour d’Andenne, sur les deux rives de la Meuse.

 

 

 

namur-1914.jpg

 

21 août

 

L’investissement de Namur a commencé sur la rive gauche de la Meuse. Le bombardement commence à 10 heures et est d’une violence inouïe. Il s’adresse simultanément aux forts d’Andoy, de Maizeret, de Marchovelette et de Cognelée.

 

À Cognelée, les nombreux blessés sont amenés dans la petite église de Cognelée. Les canons du fort crache le feu et la riposte est écrasante, créant un enfer indescriptible.

 

Vers le soir, le fort de Maizeret a reçu 2.000 projectiles dont un millier de 210 mm, mais ses coupoles sont encore en état. Au fort d’Andoy, qui a reçu 500 projectiles, plusieurs coupoles sont coincées par des débris de béton.

 

 

A 11h, toutes les grosses pièces de la rive gauche concentrent leur tir sur le fort de Marchovelette. Les mortiers de 420 et de 305 sont mis en batterie. Dans ce fort, une coupole de canons de 12 cm et 2 coupoles de canons de 5,7 cm sont seules encore en service. La voûte du magasin à munitions est défoncée.

 

 

 

Mortiers_de_gros_calibre_devant_Namur.jpgobus de 420.jpg

 

22 août

 

Pendant la nuit du 21 au 22 août, un bombardement intense a lieu contre les tranchées du IVe secteur. Les tentatives contre les ouvrages de la route de Hannut sont repoussées.

 

Les trois bataillons français qui avaient effectué une marche de nuit de Bioul à Namur, arrivent vers 6h et sont immédiatement affectés au IVe secteur.

 

Au sud de la Meuse, l’infanterie allemande arrête toutes les tentatives belges.

Les forts de Maizeret et d’Andoy sont bombardés de gros projectiles.

 

Le soir, le fort de Maizeret est évacué par sa garnison, qui rejoint le Ie secteur. Le fort d’Andoy a presque tous ses locaux démolis. Ses coupoles de 210 ripostent encore.

 

 

 

Namur-fort-de-Maizeret.jpg

 

Vers 13h, le fort de Cognelée, qui n’avait été pris à partie que par des pièces de petit calibre, commence à être soumis au tir des mortiers autrichiens de 305.

 

Les unités de la 6e brigade allemande se déploient aux lisières sud de Marchovelette et le long de la rive droite du ruisseau de Gelbressée, mais elles ne peuvent dépasser Jette-Foolz, ni se rapprocher de Beauloy et sont contenues à 500 m des positions belges.

 

Au point d’appui de Beauloy, le bombardement est tel qu’une partie de la garnison évacue les tranchées. Ce n’est qu’à la deuxième tentative, avec la coopération d’un bataillon du 148e régiment français que les tranchées peuvent être réoccupées. L’ouvrage doit être définitivement évacué à 21h30. A la nuit, un seul point d’appui de première ligne reste occupé : celui voisin du fort de Cognelée.

 

 

 

canon__autrichien.jpg

 

il est à souligner que l'Autriche, à se jour, n'avait pas encore déclaré la guerre à la Belgique

 

Le général Michel ordonne de monter une contre-attaque vers la région de Wartet (1.500 m au nord-est de Marche-les-Dames) pour s’emparer du terrain où l’artillerie ennemie pilonne le IVe secteur.

 

Le II/45e français et deux bataillons belges (I/10 et II/30) soutenus par deux groupes d’artillerie de campagne y participent. Leur effort est brisé par les batteries et le feu des mitrailleuses allemandes et c’est un échec sanglant : la 1e compagnie du 1e bataillon du 10e de ligne perd 130 hommes, la 66e batterie a ses quatre canons mis hors de combat.

 

 

pont-de-jambes.jpg

 

 

23 août

 

Sur un front de 4 km qui s’étend du fort de Cognelée à la route de Namur sont massées 3 divisions (40.000 hommes) appuyées par 300 bouches à feu. L’effectif belge est réduit à 8.000 hommes et 30 canons.

 

Au lever du jour, le bombardement s’accroît et une tornade ininterrompue s’abat sur les positions belges. L’infanterie allemande est à ce moment pratiquement invisible.

 

A 10h, les divisions allemandes s’ébranlent.

Les Allemands attaquent de tout coté, à droite, au centre, à gauche et encore plus à gauche.

 

 

 

assaut_namur.jpg

 

Le commandant du IVe secteur estime que la position est devenue intenable.

Vers 10h30, il donne l’ordre de retraite. Le II/45e français prend position à Bouge pour couvrir la retraite. Il résiste aux attaques de la 38e division allemande et certaines de ses compagnies se retirent vers 12h30.

D’autres compagnies n’ont pas reçu l’ordre de retraite et continuent à se battre.

 

Le fort de Cognelée, écrasé sous les projectiles de 305, se rend.

 

 

siege_namur.jpg

 

 

Le fort de Marchovelette continue à résister ainsi que ses points d’appui de Neumoulin et de la Gelbressée. Vers 13h40, le fort est atteint par un obus de 420 qui explose dans la galerie centrale et brûle ou blesse les deux tiers de la garnison.

 

Les magasins à munitions explosent. Les Allemands pénètrent dans l’ouvrage à 14h mais doivent encore subir le feu des derniers défenseurs. Le fort est détruit mais ne s’est pas rendu.

 

Namur-fort-de-Marchovelette.jpgmarchovelette.jpg

 

 

Vers 12h30, des projectiles atteignent les tranchées voisines de la Meuse. Une décision s’impose car les Allemands vont interdire le franchissement de la Meuse. Comme la garnison risque d’être écrasée entre les IIe et IIIe armées allemandes, Michel ordonne la retraite générale. Le 13e régiment de forteresse, garnison du IIe secteur, formera l’arrière-garde.

 

 

entree__allemands_Namur.jpg

 

 

 

Il subsiste un couloir de 7 km entre la IIe et la IIIe armée allemande (Saint-Gérard, rive droite de la Meuse). Heureusement pour les Belges, les commandants de ces armées ignorent réciproquement leur situation. C’est dans cet étroit couloir que la 4e division belge, échelonnée le long de la route de Namur à Bioul, peut se dérober.

 

 

 

 

destr-namur-place-darmes.jpgnamur1914.jpg

 

Vers minuit, les Belges bivouaquent entre Bioul et Arbre. La colonne réussit à se retirer à l’exception de l’arrière-garde qui est cernée à Ermeton-sur-Biert.

 

Les forts sont abandonnés à eux-mêmes. Les troupes allemandes pénètrent dans Namur, mais, ignorant le départ de la garnison, elles ne poursuivent pas vers l’Entre-Sambre-et-Meuse.

 

 

reddition_fort_malonne.jpg

 

 

Les troupes furent dirigées vers Bioul. La retraite fut rendue particulièrement pénible par suite de l’encombrement des routes par le charroi et par l’étroitesse du couloir par où devait s’effectuer le repli.

 

L’étau allemand se referma sur une partie des troupes, mais le gros s’échappa et atteignit Mariembourg le 24 au soir et la frontière française dès le 25. De là, elles furent transportées en chemin de fer à Rouen et embarquées au Havre pour être ramenées à Ostende et Zeebrugge.

 

 

 

debarquement_troupes_belges.jpg

 

Les forts restant se rendront les une après les autres, la résistance belge aura une grande influence dans la bataille des frontières en imposant une énorme immobilisation en hommes et en moyens lourds de l’envahisseur allemand

 

 

 

munsterlager-arrivée-camp.jpg

 

arrivée-officiers.jpg

 

a suivre...

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Témoignages

 

fort de Maizeret, l’Abbé BAILLY nous rapporte:

 

« Nos soldats allaient chaque jour en reconnaissance et revenaient parfois avec des trophées: des chevaux, des lances, des fanions, car l’ennemi rôdait déjà dans les bois des environs.

Jeudi 20 août, dans la matinée, revenant de Samson, j’ai aperçu dans le bois, près de la fontaine Saint Martin, trois uhlans que je signalai aux sentinelles. Sur la route militaire du fort, une circulation d’automobiles indescriptible faisait pressentir l’approche d’évènements graves.

Vendredi 21 août, vers 11 heurs, trois cavaliers rapides comme l’éclair se dirigèrent vers le fort; c’était probablement pour signaler les préparatifs du bombardement par l’ennemi, qui avait établi ses batteries sur les hauteurs d’Arville, de Haut-Bois, de Groyne; aussitôt, le premier coup de canon se fit entendre et atteignit l’église.

Alors les canons du fort entrèrent en activité. Les habitants de Maizeret et de Samson cherchèrent un abri, soit dans leurs caves, soit dans des cavernes ou des souterrains. Vers le soir, une accalmie se produisit; on se hasarde au dehors pour respirer l’air pur et échanger ses impressions avec les voisins. On constata que les obus allemands avaient déjà fait de nombreux dégâts aux bâtiments du village. »

A. MALBRECQ, artilleur du fort nous raconte également ses aventures:

« Vendredi 21 août. En une seconde, je fus à l’étage supérieur, la tête au trou d’homme soulevé. Notre commandant se trouvait sur le fort; il observait à l’aide d’une longue-vue fixée sur un trépied et indiquait un but au chef de coupole de 15, l’Adjudant DAINE. On allait rechercher les éléments pour tirer sur un objectif: « Observez! », me cria le commandant, ainsi qu’au chef de coupole du 12 de droite, dont la tête se montrait aussi au-dessus de la cuirasse.

Et en même temps, on entendait dans la coupole de 15 le grincement du monte-charges, le choc des projectiles refoulés dans l’âme des pièces et enfin , la fermeture des culasses. Tout est prêt; l’adjudant a baissé le trou d’homme; le commandant s’est écarté. « Pièce…Feu! » crie l’adjudant.

Le coup est parti; le vent ayant envoyé dans ma direction la fumée sortant de la bouche du canon, je n’ai pu observer. Immédiatement, l’adjudant est réapparu à son trou d’homme. « C’est très bien! » crie le commandant, qui a pu voir lui-même… « C’est juste… » (au coin du bois, a-t-il voulu dire sans doute).

Mais un projectile a sifflé tout à coup au-dessus du fort. « Que tout le monde se tienne à l’intérieur! Dit le commandant, en entrant dans le fort, car je crois que nous allons être bombardés ». C’était bien vrai: l’obus qui venait de déchirer l’air passa outre du fort et alla frapper, je crois, un angle du clocher de l’église de Maizeret, qui fut emporté en partie.

A mon avis, ce premier coup de l’ennemi avait été tiré pour le réglage en direction et était juste, sans doute. En effet, deux ou trois minutes après, le temps d’être renseignés par les observateurs et de changer l’orientation et l’inclinaison des bouches à feu, trois projectiles tombèrent au milieu de la contrescarpe du front de gorge, coupant les lignes téléphoniques souterraines et à ciel ouvert, et nous empêchant désormais de recevoir aucune communication de la part de nos postes d’observation ou de l’état-major de place, du colonel, ou d’autres forts ».

 

 

 

 

l’Abbé FEVRY, aumônier du fort:

 

« 20 août 1914. La veille ou l’avant-veille, une patrouille avait fait connaissance avec les premiers uhlans, en avait tué un, blessé les deux autres et ramené triomphalement un cheval et une lance.

Nul doute, les Allemands étaient à nos portes et, comme le commandant me le faisait observer sur une carte au bureau de tir, la marche des différents corps allemands épinglés sur cette carte montrait clairement leur projet d’investissement de la position.

« Nous allons être attaqués, ajoutait-il, mais nous tiendrons: nous sommes outillés pour trois mois »…On comptait sans les 42...« Le soir approchait et, comme d’habitude, nous allâmes sur le parapet du fort pour jouir du spectacle édifiant du ciel étoilé et taper entre soldats une de ces causettes réconfortantes et pleine d’illusions. Mais quoi?

Le ciel n’était plus celui des autres jours: des nuages de fumée y montaient, gris-noirs, et tout l’horizon Nord-est, Seilles, Andenne, était en feu. Quel spectacle lugubre! La rage montait au cœur de la petite garnison. On brûlait du désir de venger les concitoyens sans défense. Nous allons dans ces sentiments prendre notre repos et réparer les forces dont nous aurons besoin demain peut-être. Fort du Diable, lui, veille; il paraît inquiet. Avec ses phares, il plonge ses grands yeux scrutateurs sur les bois environnants, il fouille et refouille les campagnes.

Le Fort-du-Diable tire par intervalles; il semble rassurer Marchovelette, quand soudain un sifflement, puis un éclat à 100 mètres environ du fort. C’était vers 11 heures. Une demi-minute après, éclata un second obus, à 50 mètres du fort, puis le troisième en plein dessus. Suivit alors un bombardement intense: 1500 coups de tous calibres jusqu’à sept -huit heures du soir. Il y eut deux blessés seulement.

Toutes les vitres avaient, dès le premier coup, volé en éclats; les traverses de fer mêmes étaient arrachées par des éclats d’obus rebondissant de la contrescarpe qui se démolissait devant nous… De 11 heures du matin jusqu’au soir, la mitraille ennemie était tellement fréquente que Fort-du-Diable n’osait même pas tourner ses pièces contre l’ennemi, de peur de les voir emporter.

Fort-du-Diable brûlait du désir de se mesurer et, malgré la lourdeur de tête de la petite garnison, elle bondit comme un seul homme, vers huit-neuf heures du soir, lorsque le bombardement ennemi ralentit et fit croire à un assaut. Hélas! Désillusion! L’ennemi ne vint pas. Il continua à bombarder, mais d’une façon moins intense; d’où Fort-du-Diable riposta. Vers 11 heures du soir, il pointa vers une batterie près d’Arville, qu’il démolit, dit-on…

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Invité §pie367dg

un appel au secours, quelqu'un sait comment on peut copier sur "enregistrer sous" une photo où le clic gauche n'envoie pas de fenêtre d'accès?

 

j'ai des "perles" à vous faire voir mais que nada!!

 

 

Si tu es droitier, il faut faire un clic droit sur la souris qui devrait ouvrir une fenêtre sur mes documents par exemple,

si tu es gaucher comme moi et que tu as inversé tous les paramêtres, tu fais un clic gauche sur la souris et tu devrais

avoir le même résultat.

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Invité §pie367dg

Pardon , j'ai sauté une étape, en faisant un clic inversé on ouvre la fenêtre avec " enregistrer sous " là clic normal et

on ouvre soit " mes doc " soit "mes images " ou autre je fais toujours comme ça sans problême, même si je suis un ignare en informatique.

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Invité guest527

Ca c'est la méthode classique oui!

Mais va voir le lien que j'ai mis dans mon message juste au-dessus du tien, et fais un clic-droit sur une image ... Tu devrais etre surpris du résultat :w:

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